Concert des puissants (Le)
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« Quand on veut, on peut, quand on peut, on doit »… on prête l’aphorisme à Napoléon Bonaparte. En seulement dix mots, l’impériale fulgurance résume toute l’idéologie méritocratique : elle explique la réussite individuelle par la volonté et le talent ; elle élève la quête et l’entretien d’un statut social en exigences morales. À croire que Liliane Bettencourt, l’héritière du groupe L’Oréal, naquit riche et puissante, parce qu’elle le « valait bien ». Même les plus obtus zélateurs de l’ordre social doivent pourtant concéder que des qualités ne font pas tout. Le pouvoir, et plus largement la capacité à se faire obéir, proviennent avant tout d’une inégale distribution de ressources économiques, culturelles ou symboliques que des institutions, à commencer par l’école, ont légitimée.
Dans l’arithmétique des pouvoirs, toutes les richesses ne se valent pas. L’argent étalonne leurs grandeurs relatives et surclasse toutes les autres (culture, savoir, reconnaissance…). Cette domination, sans être tout à fait neuve, est plus tranchée en France qu’elle ne l’a jamais été depuis la fin du dix-neuvième siècle. Deux guerres mondiales, la peur du communisme et les conquêtes de la Libération (sécurité sociale, nationalisations, planification) avaient instauré un rapport capital-travail, moins défavorable à ce dernier qu’à l’accoutumée et donné naissance à système économique hybride dans lequel la fonction publique jouait un rôle clef. Les années 1980-1990 mirent fin à l’intermède. Elles transformèrent la structure du champ du pouvoir dans son ensemble.
Si les hiérarchies propres à la classe dominante ont évolué, les dirigeants politiques, économiques, juridiques, et médiatiques restent néanmoins liés par des dispositions, des propriétés et, aussi, des intérêts communs. Ils partagent, en outre, un même rapport au monde social. De la fréquentation des grandes écoles, à la gestion oligopolistique des marchés, en passant par les dîners du Siècle, les dominants se révèlent étonnamment solidaires. Ils jouissent, en outre, d’un immense privilège, celui de pouvoir se soustraire à une partie des règles qu’ils imposent à l’écrasante majorité de leurs concitoyens.
Ce livre présente les résultats d’une enquête sur le pouvoir menée durant près de huit ans. Elle a mêlé travail d’archives, constructions de bases de données et traitements statistiques.
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.
