Tumultes, no 42
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Les politiques du praticable. Scénographies publiques et chorégraphies politiques
Les mots ont une histoire ; et les histoires font rêver. En voici une parmi d’autres. Il est d’usage au théâtre, depuis 1835 dit le dictionnaire, d’appeler praticable un élément du décor qui permet sur la scène le passage d’un lieu à un autre ou qui offre une voie d’accès ou d’exit à cette scène. L’emploi s’est conservé bien que le terme ait fini par désigner une construction supportant l’équipement nécessaire au spectacle et les personnes qui s’en occupent. Le passage — entrées, sorties, circulation — est devenu support — échafaudage, édifice, structure ; le mouvement institution. Mais ce mot vient au théâtre chargé d’un sens essayé dans le monde. Le 25 juin 1677, Madame de Sévigné écrit à Madame de Grignan que Madame de Ludres n’a pu, à la campagne, « soutenir [tel] personnage simple, qui n’était pas praticable » (Gallimard, La Pléiade , vol. II, p. 475). On dirait aujourd’hui qu’elle n’avait pu supporter ce personnage qui n’était pas fréquentable. Fréquenter signifie aussi bien se rendre souvent en un certain lieu qu’avoir des relations habituelles avec quelqu’un. Quelqu’un de fréquentable est quelqu’un avec qui on fait société : en disant qu’il n’était pas praticable, Mme de Sévigné voulait dire que ce personnage n’était pas sociable. On notera qu’elle ne dit pas « cette personne » mais « ce personnage ». On est déjà au théâtre. Il faudra donc, sur la scène du spectacle, des praticables pour délimiter un espace public, y accéder et fréquenter en des lieux communs des personnages plus ou moins praticables.
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