Haïku en France (Le)
Haïku en France (Le)
Poésie et musique
Thélot, Jérôme  
Verdier, Lionel  
  • Éditeur : Kimé
  • Collection : Cahiers de Marge (Les) (#8)
  • EAN : 9782841745623
  • Code Dimedia : 17490562
  • Format : Broché
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Littérature - Essai / Critique
  • Pages : 314
  • Prix : 54,95 $
  • Paru le 28 octobre 2011
  • Statut : Disponible, 2 à 4 semaines
  • Code de recherche: HAIFRA
  • Groupe: Essais litt. / linguistique
  • Date de l'office: 19 mars 2015
  • Langue d'origine: français
EAN: 9782841745623

Nul doute que s’il y a eu dans la langue française depuis cent vingt ans une découverte capitale, c’est bien celle-ci, — la découverte que les poètes ont faite du haïku. On peut tenter de nommer dans la mémoire littéraire de cette langue tout ce qui rétrospectivement semble avoir pu favoriser cette adoption d’un genre de poésie largement étranger à son esprit, celui-ci ayant été habité par la tradition rhétorique et par la pensée du christianisme, et du coup nourri de démonstrations et de querelles d’idées, d’enseignements notionnels et de grands livres d’orateurs.
 
On peut croire en particulier que le style français inventé par Port-Royal, fait de concision et de netteté, de claire justesse et d’élégante pudeur, dont l’idéal de simplicité, éthique et stylistique, s’est transmis de Pascal à Simone Weil, ce style de vie autant que de littérature qui aura fécondé en particulier la réflexion morale, de La Rochefoucauld à Cioran, et qui aura convaincu les poètes à partir de Baudelaire de privilégier les formes brèves, au point que la brièveté comme telle en est venue à paraître, depuis Rimbaud, comme un signe par excellence de poéticité, on peut croire que ce style où entraient de
toujours du jeu, de la grâce, et de la liberté insolente, comme chez La Fontaine et jusqu’à Tardieu, aura été en France ce qui permit de reconnaître le haïku comme un grand ami d’Orient, aussi proche éthiquement qu’arrivé de loin.
 
Ainsi se laisse concevoir une explication plausible, et souvent donnée, d’une fortune étonnante, trois principales étapes scandant celle-ci. À la fin du XIXème siècle, l’heure
étant venue d’élaborer des formes sans antécédent dans l’histoire de notre poésie, ce fut le moment du japonisme ; entre les deux guerres, les transgressions généralisées des Avant-garde s’exprimant en tous sens, ce fut à Paris le grand engouement pour l’idée du haïku tel qu’on l’imaginait alors ; et lorsque dans les années 1960-1970, presque plus un seul mot du vocabulaire français ne pouvait guère échapper au doute radical infusé par l’esprit de l’époque et par les philosophies du soupçon, d’inestimables traductions donnèrent l’occasion d’une reconnaissance poétique, et de saisir dans ces poèmes du Japon une faveur inespérée pour la parole moderne — la parole d’après les dieux —, une espèce de dernière chance contre le nihilisme. Ces trois étapes attestent que le haïku aura été en France un secours autant qu’une incitation : les belles suggestions japonaises ont été reçues non seulement comme des encouragements à la critique du discours en poésie, mais encore comme des exemples frais d’une parole libre, comme des modèles inimitables pour un dégagement de la parole, dont le silence soit la condition.
 
Aujourd’hui, ce que nous savons du haïku est à ce point acclimaté à notre langue, à notre idée du poème et à nos pratiques de la poésie (et cela dès l’enseignement de celle-ci dans les classes de l’école primaire) que tous les lecteurs ne savent pas l’étrangeté et les conséquences inouïes de cette acclimatation, ni les surmontements d’obstacles ni les hasards heureux qui lui auront été nécessaires.
 
Désormais la libellule de Bashô dont le piment français a reçu les ailes, vole en mille lieux de notre poésie : mais cette aventure on ne peut plus étonnante appelle des explications, auxquelles s’applique le présent livre




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