Des films du Bengale
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Ritwik Ghatak (1925-1976) est, avec Satyajit Ray et Mrinal Sen, l’un des trois plus grands cinéastes indiens (bengalis) du vingtième siècle. Il est également considéré comme un cinéaste majeur de l’histoire du cinéma, un inventeur de formes, un poète dans l’Histoire. Ce livre est le premier qui lui soit consacré en langue française.
En 1947, Ghatak quitte le Bengale oriental, où il est né et où il a grandi, pour Calcutta. Il fait partie de ces dix millions de réfugiés (Bengale et Penjab confondus), pour qui l’indépendance de l‘Inde signifia violence, misère et exil. Son œuvre cinématographique est à raison et à tort associée à cet épisode tragique de l’histoire de l’Inde, la partition du Bengale. Il meurt trente ans plus tard, en 1976, à cinquante ans, ravagé par l’alcool et la maladie, vaincu par trente ans de lutte contre l’establishment postcolonial, contre la décadence et la corruption politique et intellectuelle de la middle class dont il est issu, et contre un monde qui dénie le génie de son peuple.
L’essentiel de son œuvre tient en huit films. Nagarik (1953) est encore empreint de la théâtralité militante de l’Indian People’s Theatre Association (organe du Parti communiste indien), dont il est un membre actif à l’époque. Ajantrik (1957), son deuxième film, est un chef d’œuvre burlesque ou “réaliste fantastique” et une fable sur la modernité. Le Fugitif (1959) est le récit de la fugue d’un enfant et de son expérience de Calcutta dans les années qui suivirent l’Indépendance. Puis vient la “trilogie de la Partition” (L’Étoile cachée, 1960, Komal gandhar, 1961, etSubarnarekha, 1962), dans laquelle il invente une forme de mélodrame critique qui vise à produire des chocs affectifs, le retour d’images rendues inaccessibles par la coupure de l'exil. En 1972 il tourne au Bengale oriental (devenu le Bangladesh), sur les lieux de son enfance, Une rivière nommée Titas, une épopée brechtienne qui met en scène l’extinction d’une communauté de pêcheurs dans les années 1930. Son dernier film, Raison, discussions et un conte (1974), est un essai sur la condition du Bengale contemporain, dans lequel il joue son propre rôle, celui d’un intellectuel marxiste à la dérive et vaincu par l’Histoire.
Ritwik Ghatak. Des films du Bengale est constitué d’un montage de textes du cinéaste (articles, entretiens, une lettre et un scénario) et de quatorze études signées des meilleurs connaisseurs de son œuvre, indiens et français; monographiques ou thématiques, ces études sont réparties au fil du livre, entrelacées aux textes et images du cinéaste. Les trois auteurs indiens, Sibaji Bandyopadhyay, Moinak Biswas et Kumar Shahani sont des connaisseurs intimes de l’œuvre de Ghatak et de la culture bengalie. Parmi les auteurs français, Raymond Bellour, Serge Daney, Marianne Dautrey, Hervé Joubert-Laurencin, Charles Tesson, certains connaissaient déjà l’œuvre de Ghatak, d’autres l’ont découverte à l’occasion de ce livre. Leurs analyses de l’art de Ghatak complètent l’approche plusculturelle des Indiens. Un chapitre d’Une rivière nommée Titas, le récit de l’écrivain bengali Advaita Malla Barman adapté par Ghatak, donne un aperçu de ce que fut la littérature populaire des années 1930 et la sensation de la vie au Bengale oriental autour des fleuves. La présence de Rabindranath Tagore, dont l’œuvre est constitutive de la sensibilité de Ghatak comme de celle de tous les Bengalis, est assurée dès l’ouverture par Yaksha, le poème de la séparation d’avec les dieux et d’avec la grande spiritualité indienne. Le livre s’achève par une chronologie des événements historiques et politiques, par une biographie détaillée, une filmographie et un glossaire.
Environ quatre cents images plongent le lecteur dans l’histoire tragique du Bengale contemporain et dans la fantaisie mythologique et moderne de Ritwik Ghatak. En ce sens, ce livre est à la fois un recueil d’idées, un document d’histoire et une œuvre en images.
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