Silvatica
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Au fond d’une forêt enneigée, aux confins de la Pologne, résonnent dans un monde de fièvre et de rêve les échos mythiques de la Chasse Sauvage, cette mythologie nordique des chasses du dieu Odin.
Livre rugueux et féroce, livre de meute, de traque, livre de pièges de fusils et de chiens, Silvatica conte les amours entre le braconnier Eustachos et une figure féminine, tour à tour compagne et proie du chasseur, dans une indécision des rôles et des sentiments. Helga M. Novak peint une vie reculée dans les bois, au cœur de la force noire de l’hiver, où la vie s’organise au milieu des loups et des sangliers, des chevreuils et des lapins. Le monde y est à portée de main, à la fois visible et tangible; dans ces motifs de chasse, nous lisons le cycle d’une existence concrète, viande, graisse, peau, vêtements, où l’on chasse un loup quand on a besoin d’une veste.
Autour de ces contrées où Eustachos s’est réfugié comme « une dernière chance », et de son rapport archaïque, âpre et artisanal à la nature, menace par contraste la chasse d’État de la nomenklatura, avec ses uniformes, ses tronçonneuses, ses hélicoptères, et leur traque du déserteur, du chasseur chassé à son tour. « Jamais n’a été accordée au tireur la liberté » avertit Helga M. Novak, dont la présence féminine porte le recueil, et qui a conscience de cette oppression sourde du châtiment. Son identité semble mouvante : elle est cette Silvatica qui accompagne le chasseur ou est son trophée, mais aussi Artémis qui suit sa trace, épie ses gestes. « Je n’aimerais pas être une femme sortie de ta côte », ajoute-t-elle, et nous assistons à la « dernière sauvagerie » de l’amour vu lui aussi comme un ultime acte de chasse, avant de prendre racine dans la solitude, dans la « peau épaisse » de la terre, une fois les voyages révolus, la fuite soldée, l’homme disparu. C’est qu’il y a un âge sûrement pour chaque chose et Helga M. Novak dans les dernières pages du livre semble avouer par la voix de Silvatica qu’elle est désormais trop âgée pour l’amour, elle qui s’est retirée dans ses cachettes, dans sa maison recouverte de neige au fond de la forêt et qui attend sa fin – et peut-être aussi en creux la fin de notre espèce – entourée de murmures de ruches et de chants de coqs.
Silvatica multiplie les niveaux de lecture malgré une langue brute et nue, dérive et s’approprie le mythe de la Grande Chasse dans une atmosphère de repli et de sous-bois, pour restituer la fable d’une femme vieillissante, où se mêlent pression politique, inquiétude écologique et quête intime et douloureuse, dans un monde « beau à en geler ».
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