Grandeur et tragédie d'Érasme de Rotterdam - Castellion contre Calvin ou conscience contre violence
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On a regroupé ici deux essais majeurs parmi ceux que Zweig a consacrés aux grandes figures de la culture européenne. Publiés à seulement deux années de distance, ils sont le pendant l’un de l’autre. Leur sujet commun est l’attitude de l’intellectuel humaniste, irénique et cosmopolite face à une époque dominée par l’intolérance et la violence. Zweig fait d’Érasme sa figure tutélaire qui refuse de choisir entre la révolte luthérienne et la Contre- Réforme catholique naissante. Critique de l’institution, il appelle au changement sans se couper de la tradition.
À travers Castellion, Zweig nous donne le portrait de « celui qu’il aurait voulu être ». Avec une éloquence enflammée, il retrace de façon dramatique le combat acharné conduit par cet « hérétique » pour la défense de Michel Servet brûlé vif à Genève en 1553. L’hostilité d’Érasme envers Luther accusé, à la lumière du débat sur le libre arbitre et sa conception de la liberté intérieure, de consolider le pouvoir des puissants, a pour pendant la dictature ecclésiale exercée par Calvin à Genève.
On a pu reprocher à Zweig ses excès de langage, comme lorsqu’il met sur le même plan Luther et Hitler ou quand il fait de Calvin un monstre d’insensibilité et de cruauté. Pourtant, ces deux textes sont le reflet des inquiétudes qui l’habitent face à la crise culturelle et politique inouïe qui affecte l’Europe entre 1918 et le triomphe du nazisme.
Deux citations illustrent le caractère dramatique de cet arrière-plan : « La transition entre le XVe et le XVIe siècle est un moment charnière de l’histoire de l’Europe, comparable uniquement […] à celui que nous vivons » (Érasme) et « Le XVIe siècle ne fut pas moins enfiévré que le nôtre par les idéologies les plus radicales » (Castellion).
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