Passion et désenchantement du ministre Lapalme
Passion et désenchantement du ministre Lapalme
Corbo, Claude  
  • Éditeur : Septentrion
  • Collection : Cahiers de Septentrion (#33)
  • EAN : 9782896645152
  • Code Dimedia : 28040106
  • Format : Livre numérique PDF
  • Thème(s) : SCIENCES HUMAINES & SOCIALES
  • Sujet(s) : Histoire - Québec / Canada
  • Pages : 144
  • Prix : 6,99 $
  • Paru le 24 janvier 2009
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EAN: 9782896645152

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Dans ce nouveau ministère, tout est à faire. Frégault a du caractère, trop pour les subtilités administratives. Il retrouve les problèmes de locaux qui l'avaient exaspéré à l'Université de Montréal. Il lui faut recruter du personnel, subir les pressions, préparer des budgets et souffrir les diktats du secrétaire du Conseil de la trésorerie, André J. Dolbec, qui veille au grain avec la bénédiction du premier ministre, Jean Lesage. Pour ce dernier, Lapalme reste un rival politique. Il n'a pas beaucoup le goût de lui donner les moyens de réussir aux Affaires culturelles. Ombrageux, Lapalme souffre, s'enferme, rage jusqu'au jour du 4 septembre 1964 où il éclate. Il démissionne. Il y songeait depuis plus d'un an. André Malraux, son homologue français avec lequel il entretient une belle relation, le persuade, lors de sa visite d'octobre 1963, de persister. Lapalme s'était accroché sans trop de conviction. Lesage ne fit rien pour le retenir. Bien au contraire, il lui montre la porte. Sans jeu de mots, il lui avait déjà choisi un successeur : Pierre Laporte.




    Extrait : Le trio Dolbec-Lapalme-Lesage

    DOLBEC : De toute façon, vos artistes peuvent toujours s'adresser au fédéral.

    LAPALME : Ah non ! Jamais ! J'y suis allé au fédéral, moi, Dolbec. J'ai passé cinq ans au Parlement, comme backbencher. J'ai eu le temps d'observer. De constater, surtout, que ce n'est pas chez nous, là-bas ! (Silence) Oui, le fédéral s'est occupé et s'occupe des arts. Mais c'est parce que Québec a trop tardé à s'en occuper lui-même. Duplessis n'a rien compris à ses responsabilités, à nos responsabilités. Le Québec ne doit pas confier aux autres ce qui lui est le plus précieux, ce qui fait son âme et le cœur de son destin. (Silence) Dieu merci ! Le fédéral était là pendant nos années d'incurie. Mais ces années sont finies. C'est à nous de prendre nos responsabilités.

    DOLBEC : Oui, mais il y a de l'argent au fédéral. Beaucoup d'argent. Les autres provinces s'en servent bien, elles.

    LAPALME : Décidément, Dolbec, l'argent vous obsède. Surtout quand il s'agit de dépenses culturelles.

    DOLBEC : L'argent, c'est l'argent, monsieur le Ministre.

    LAPALME : Sauf que le Québec, ce n'est pas comme les autres provinces. Il est différent. Il le sera de plus en plus. Seul le gouvernement du Québec peut comprendre et servir ce que nous sommes. C'est le seul que nous contrôlons. Le fédéral ne pourra jamais nous représenter vraiment ni nous comprendre. À Ottawa, nous sommes une éternelle minorité. Le Québec doit prendre des responsabilités qui vont bien au delà des responsabilités des autres provinces. (Silence) Tant que je serai ministre, je ferai tout en mon pouvoir pour que nos créateurs ne soient pas réduits à quémander leur pitance au fédéral. (Silence) En attendant, vos scrupules [...] Vos scrupules financiers et vos scrupules artistiques vous empêchent de voir l'essentiel. Vos manières de faire vont directement contre notre avenir collectif.

    DOLBEC : C'est pas mal gros, ce que vous dites là, monsieur le Ministre, quand même !


AUTEUR(S)

Claude Corbo est professeur de science politique et membre de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand à l'Université du Québec à Montréal (dont il fut le recteur de 1986 à 1996). Il enseigne notamment le système politique des États-Unis.




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