Rusticatio civitati piratarum [édition bilingue]
Rusticatio civitati piratarum [édition bilingue]
Ruiz, Raoul  
Cuneo, Bruno (Présenté par) 
Gayraud, Irène (Traduit par) 
  • Éditeur : Unes
  • Collection : Hors-collection
  • EAN : 9782877042666
  • Code Dimedia : 000234680
  • Format : Broché
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Poésie
  • Pages : 92
  • Prix : 35,95 $
  • Paru le 16 octobre 2023
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EAN: 9782877042666

Souvent considéré comme un cinéaste littéraire, auteur de plusieurs ouvrages, théoriques comme de fiction, on ignorait que Raoul Ruiz était aussi poète (il est l’auteur de plus de 500 poèmes dont une anthologie est parue au Chili en 2019), et qu’il lui arrivait d’écrire des recueils de poèmes pour préparer ses films, ce qui est probablement un cas unique dans l’histoire du cinéma. Rusticatio Civitati Piratarum : La Ville des pirates est le seul exemple de ce type qui ait été conservé dans ses archives. Le livre, écrit en 1974, tisse en un jeu d’évocations labyrinthiques le motif de deux films que le cinéaste franco-chilien réalisera en 1983 : Les Trois couronnes du matelot et La Ville des pirates. Ces poèmes ne constituent pas un scénario avant l’heure, ils ont plutôt pour Ruiz la fonction de réservoir à images dans lesquels il puisera librement; ce seront les oiseaux migrateurs, les pièces de monnaie glissées sous la langue, les bateaux et les ports dans Les Trois couronnes du matelot, les miroirs, le prophète et les meurtres pour La ville des pirates. Poèmes et films partagent ainsi des visions communes, agissent les uns sur les autres comme deux dimensions autonomes d’un même monde – « le monde a deux dimensions » déclare d’ailleurs l’un des personnages des Trois couronnes du matelot – et nourrissent ce sentiment de passage fluide entre le temps des vivants et celui des morts, entre l’espace vécu et l’espace rêvé qui est si caractéristique de l’œuvre de Ruiz. Poésie où tout se fait énigme, tout fait signe en d’infinis dédoublements, aussi bien dans la lecture du vol des oiseaux que dans celles des lignes des rues ou de la main. D’obscures malédictions foudroient les hommes au détour d’une phrase comme s’il y avait des mots interdits, des villes fantasmées flottent dans le regard des marins, des vaches sont sacrifiées dans la nuit, les miroirs séparent les visages, les chansons s’échangent contre une pièce de monnaie aussitôt changée en sel. Ces poèmes, en levant le voile sur la matrice créative de Raoul Ruiz, révèlent tout autant ce qu’il y a de littéraire dans son cinéma que ce qu’il y a de cinématographique dans son écriture. Comme le souligne Bruno Cuneo dans sa préface, la poésie était la « première vocation artistique » du cinéaste – grand lecteur de Pessoa et de Pound, et bien-sûr de ses compatriotes Gabriela Mistral, Pablo Neruda, Nicanor et Violeta Parra – qui cherchait dans ses films à ce que « chaque plan ait sa vie propre », tout comme chaque poème existe en lui-même. Raoul Ruiz aura trouvé avec le poème le moyen d’irriguer ses films d’un réseau de visions d’où jaillissent des récits composés d’évocations fulgurantes à la symbolique mystérieuse, avec en guise de viatique pour naviguer entre les mondes de l’exil et de l’errance, deux pièces dans la poche des vivants et une dans la main des morts. Du mystère, ou, pour reprendre les dernières paroles du matelot du film : « de la poésie, c’est de la véritable poésie! ».

AUTEUR(S)

Raoul Ruiz est né au Chili en 1941. Fils d’un marin et d’une enseignante, il commence par écrire des pièces de théâtre avant d’étudier le cinéma en Argentine. Il réalise son premier film en 1968, Trois tristes tigres, primé au festival du film de Locarno, qui est considéré comme une œuvre fondatrice du renouveau du cinéma chilien, et marque par son côté expérimental et surréaliste une rupture avec le cinéma politique de l’époque. Ruiz s’exile en France avec son épouse la réalisatrice Valeria Sarmiento après le coup d’État du 11 septembre 1973 dans son pays qui aboutit au suicide du président Salvador Allende et à la mise en place d’une dictature militaire par Augusto Pinochet. Dans les années 1970 et 1980, il réalise un nombre considérable de films, au sein notamment de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) ou au Portugal, et devient une figure majeure du cinéma d’avant-garde européen, avec une œuvre marquée par la littérature, le pouvoir de suggestion des images, l’onirisme et le refus de la linéarité narrative. C’est au cours de cette période qu’il réalise Les Trois couronnes du matelot (1983) et La Ville des pirates (1983). Il dirige Marcello Mastroianni (Trois vies & une seule mort, 1996), Catherine Deneuve et Michel Piccoli (Généalogie d’un crime, 1997), John Malkovitch dans son adaptation du Temps retrouvé de Marcel Proust (1999), ou Isabelle Huppert (Comédie de l’innocence, 2000). Ruiz fait paraître en 1995 et 2006 ses Poétique du cinéma, manifestes pour une nouvelle façon de voir le cinéma, et entreprend à plus de 40 ans la rédaction d’un journal (Diario) considérable, composé de notes, de souvenirs et de choses vues qui paraît au Chili en 2017. Il meurt en 2011 à Paris après avoir réalisé plus de 100 longs et courts métrages. Son dernier film, La Nuit d’en face, sort en 2012 à titre posthume.




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