Vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même (La)
Vie de Benvenuto Cellini écrite par lui-même (La)
(1500-1571)
Cellini, Benvenuto  
Blamoutier, Nadine (Traduit et commenté par) 
Chastel, André (Sous la direction de) 
  • Éditeur : Klincksieck
  • Collection : Mondes de l'art
  • EAN : 9782252046562
  • Code Dimedia : 000226814
  • Format : Broché
  • Thème(s) : BEAUX-ARTS, LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI, SCIENCES HUMAINES & SOCIALES
  • Sujet(s) : Arts, Biographie / Récit biogra., Renaissance, Sculpture, Texte ancien / Grèce antique
  • Pages : 544
  • Prix : 48,95 $
  • Paru le 11 juillet 2022
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EAN: 9782252046562

Extrait

« J’avais vingt-trois ans à peu près quand éclata une épidémie de peste si terrible qu’à Rome les gens mouraient par milliers tous les jours. J’eus un peu peur, et, d’instinct, me trouvai un nouveau divertissement. Je procédai de la manière suivante : les jours de fête, j’aimais bien aller voir les monuments antiques pour les dessiner ou en faire des modèles en cire. Dans leurs ruines gîtent d’innombrables couvées de pigeons. J’eus envie de les tirer avec mon escopette. Dans ma terreur de la peste, pour fuir les contacts, je mettais l’escopette sur l’épaule de mon ami Paolino et seuls, lui et moi, nous nous en allions vers les ruines d’où je revenais très souvent avec une charge de pigeons bien dodus. Je m’amusais à ne mettre qu’une seule balle dans mon escopette et à réussir grâce à mon seul talent de tireur de belles chasses. C’était une escopette droite, fabriquée de mes propres mains, au dedans et au dehors brillants, plus qu’aucun miroir. Je composais moi-même une poudre très fine qui me permit de découvrir de merveilleux secrets, inconnus de tous jusqu’à aujourd’hui. Un seul exemple, pour ne pas être trop long, mais un exemple capable d’émerveiller tous les connaisseurs : avec un poids de poudre égal au cinquième de celui de la balle, celle-ci portait à deux cents pas à tir rasant. La joie que je tirais de mon arme me détournait de mon métier et de mes recherches, c’est certain ; mais d’un autre côté, j’en tirais beaucoup plus de profit que je n’y perdais : chaque partie de chasse améliorait ma santé, le grand air me faisait beaucoup de bien. Je suis de nature mélancolique et ce plaisir me réjouissait aussitôt le cœur. Mon travail s’en trouvait mieux, mon talent était bien plus vif que lorsque je me consacrais exclusivement à mes travaux et recherches. A la fin du jeu, mon gain l’emportait sur mes pertes. De plus, cette distraction me permit de lier amitié avec des chasseurs de trésors qui épiaient les paysans lombards venus en saison pioches les vignes à Rome. En bêchant, ils trouvaient à chaque instant des médailles antiques, des agates, des prasmes, des cornalines, des camées; ils tombaient aussi sur des bijoux, émeraudes, saphirs, diamants et rubis. Tous ces joyaux étaient achetés aux paysans, parfois pour presque rien, par leurs chercheurs d’or. Souvent, je les leur rachetais à mon tour en payant beaucoup plus d’écus d’or qu’ils n’avaient dépensé de jules. […] Je ne signalerai que quelques-unes de mes trouvailles, d’une extraordinaire rareté; il me tomba entre les mains une tête de dauphin grosse comme les fèves dont on se sert pour voter. Je ne la cite pas en raison de sa remarquable beauté, mais parce qu’ici la nature était plus forte que l’art. C’était une émeraude d’une si belle couleur que la personne qui me l’acheta quelques dizaines d’écus la fit monter en simple bague et la revendit dix fois plus. Un autre exemple de pierre : une tête en topaze, la plus belle topaze jamais vue en ce monde. Cette fois, l’art égalait la nature. Elle avait la taille d’une grosse noisette et représentait la tête de Minerve, exécutée avec toute la perfection possible. Encore un autre exemple : un camée gravé avec Hercule enchaînant Cerbère tricéphale. Il était d’une telle splendeur et d’une telle perfection d’exécution que notre grand Michel-Ange déclara n’avoir jamais vu pareille merveille. »




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