Nomades face à la guerre (1939-1946) (Les)
Nomades face à la guerre (1939-1946) (Les)
Foisneau, Lise  
Merlin, Valentin (Contributions de) 
  • Éditeur : Klincksieck
  • Collection : Critique de la politique
  • EAN : 9782252045633
  • Code Dimedia : 000223001
  • Format : Broché
  • Thème(s) : GÉOGRAPHIE & TOURISME, SCIENCES HUMAINES & SOCIALES
  • Sujet(s) : France, Guerre, Histoire & sociologie, Histoire générale, Sociologie / Anthropologie
  • Pages : 272
  • Prix : 46,95 $
  • Paru le 21 février 2022
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EAN: 9782252045633

La situation d’exclusion des « gens du voyage » en France aujourd’hui s’inscrit-elle dans la continuité des persécutions subies par les « Nomades » pendant la Seconde Guerre mondiale? L’ethnologue Lise Foisneau a fait de cette question le point de départ d’une enquête historique inédite.

Avec l’aide de Valentin Merlin, elle a recueilli la parole des derniers témoins et exploré de nombreux fonds d’archives pour tenter de comprendre pourquoi des gouvernements que tout opposait ont poursuivi une même politique de répression des « Nomades » entre 1939 et 1946. Au prétexte de la mise en œuvre d’un état d’exception, la IIIe République en guerre prit des mesures drastiques à l’encontre des « Nomades », qui se retrouvèrent soit assignés à résidence soit rassemblés dans des lieux spécifiques que l’occupant allemand et le régime de Vichy transformèrent rapidement en des camps. Cette politique fut rendue possible par l’adoption préalable, en 1912, de la catégorie administrative de « Nomade » dans laquelle furent regroupés des Roms, des Manouches, des Sinti, des Gitans, des Yéniches et des Voyageurs. L’arsenal législatif élaboré entre 1940 et 1944 continua d’être appliqué par le Gouvernement provisoire de la République française jusqu’en juillet 1946. Il n’y eut pas de Libération pour les « Nomades ».

Par sa méthode qui associe histoire, ethnographie et participation active des témoins à la recherche, ce livre renouvelle en profondeur une historiographie restée très lacunaire soixante-quinze ans après les faits. Il montre aussi comment l’immobilisation forcée des collectifs romani et voyageurs pendant la Seconde Guerre mondiale se mua en résistance : opposition à la législation anti-nomade et lutte partagée avec l’armée des ombres.

Cette étude pionnière est tissée de micro-récits qui déploient de multiples effets de savoir. Le croisement de la mémoire et des archives permet de restituer avec précision des pans entiers de l’histoire nationale jusqu’ici scellés.

Table des matières

Introduction

Chapitre 1 – L’immobilisation du monde du voyage : un décret français
Une législation héritée de la Troisième République
Reconnaître un « Nomade »
Assignation à résidence et internement en France : quels liens avec le génocide des Tsiganes ?

Chapitre 2 – L’assignation à résidence : une vie sous surveillance
Organiser l’assignation à résidence
L’assignation à résidence en Saône-et-Loire : une étude de cas

Chapitre 3 – Résister à la législation anti-nomade
Résister à la législation anti-nomade : une résistance politique

Chapitre 4 – Désobéissance, évasions et insurrections dans les camps d’internement de « Nomades »

Chapitre 5 – Combattre l’Occupant : un creuset des résistances?

Chapitre 6 – Arrestations de « Nomades » à la Libération de la France (1944-1946) : épuration, « faux maquis » ou antitsiganisme?

Chapitre 7 – Une interminable sortie de guerre pour les « Nomades »
L’internement des « Nomades » sous le gouvernement provisoire
La reconduction de l’assignation à résidence des « Nomades » par le gouvernement provisoire

Chapitre 8 – Quelle libération pour les « Nomades »?
La politique de libération des « Nomades »
Quelles réparations pour les « Nomades » ?

Conclusion

Extrait

La mémoire familiale des Roms dits « Hongrois », ou des « Zongrois », puisque tel est leur nom dans le monde du voyage français, présente certains ancêtres comme des résistants ou des professionnels de la dissimulation (garado, « caché » en romani). Pour les « Hongrois », résister voulait dire en effet camoufler ses intentions, son identité, ses projets et les réseaux de solidarités auxquels ils appartenaient. Si ces stratagèmes faisaient déjà partie de leur arsenal avant-guerre, la période de l’Occupation leur donna une importance décisive. Parmi ces Roms, certains ont laissé le souvenir de virtuoses de la feinte : ce sont eux qui sont associés, dans la mémoire de leurs familles, à l’idée de « résistance ».
 
Le lecteur a déjà croisé dans ce livre la route de Paul Schaenotz, récidiviste de l’évasion qui servit de liaison entre des personnes internées et assignées à résidence, et dont on se souvient qu’il fut déporté à Buchenwald à la fin du mois de juin 1944. Son activité au service d’un réseau actif d’échange d’informations fait de Paul Schaenotz une figure de la résistance des « Hongrois ». Des systèmes complexes de circulation des nouvelles existaient avant-guerre, qui permettaient aux membres du collectif de savoir où se trouvait tel ou tel à une époque où les moyens de communication étaient réduits lorsque l’on était dépourvu d’une adresse postale fixe. Il fallait donc pouvoir disposer de « boîtes postales » un peu partout sur le territoire, des adresses où l’on savait pouvoir laisser ou recevoir des nouvelles des autres membres du collectif. Patrick Williams décrit ainsi le système de « Poste restante » des Manouches dans la Creuse dans les années 1950 :
 
[…] or il était préférable d’avoir un endroit fixe pour « toucher » les lettres. D’autre part, si le courrier de plusieurs familles ou de plusieurs membres d’une même famille passait par les mains d’un unique intermédiaire, des indiscrétions étaient à craindre. C’est donc un « Gadjo » ou une « Gadji du village » qui était préféré. Et parmi les habitants d’un village […], le plus souvent un tenancier de bistrot – endroit aussi où l’accès est libre et peut se faire à toute heure.
 
Le café Henry, à Colombes, était l’une de ces innombrables boîtes postales informelles qui continuèrent à fonctionner pendant la guerre. Les « Hongrois » utilisaient aussi la technique des vurmi, qui consistait à laisser des marques sur la route pour que les roulottes suivantes sachent qu’elles avaient été précédées. À propos des déplacements des Roms pendant l’année 1940, Jan Yoors signale l’importance de cette signalétique singulière : « Nos trajets étaient parsemés de récents vurmi (messages de piste) laissés par d’autres gitans nomades. Nous leur laissions à notre tour des messages soigneusement codés. » Cette pratique était connue d’autres Voyageurs.




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