Mémoire numismatique de l'Empire romain (La)
Mémoire numismatique de l'Empire romain (La)
Grau, Donatien  
Amandry, Michel (Préface de) 
Grandazzi, Alexandre (Postface de) 
  • Éditeur : Belles Lettres (Les)
  • Collection : Hors collection
  • EAN : 9782251452395
  • Code Dimedia : 000222550
  • Format : Broché
  • Thème(s) : SCIENCES HUMAINES & SOCIALES
  • Sujet(s) : Histoire - Rome, Histoire & géographie, Histoire générale
  • Pages : 518
  • Prix : 89,95 $
  • Paru le 11 avril 2022
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EAN: 9782251452395

Nous écrivons l’histoire politique de l’Empire romain avec des lambeaux de texte. Nous nous fondons sur une bibliothèque lacunaire pour tisser les récits de notre civilisation. Et pourtant, nous avons à notre disposition un texte quasi intégral et qui émane directement de l’autorité impériale : la monnaie.

Aucune autre entité de l’histoire humaine n’a produit un corpus aussi cohérent, aussi structuré, que l’Empire romain. Cet ouvrage entreprend, pour la première fois, de le considérer comme un texte autonome, c’est-à-dire relié aux autres formes de discours publics, notamment l’épigraphie, la glyptique et la statuaire, mais aussi appartenant à son propre espace, et surtout, presque complet.

Mobilisant les derniers apports de l’histoire économique et financière des mondes anciens et de l’histoire des images, cette recherche en radicalise les leçons pour ouvrir un nouveau champ : celui de l’étude du monnayage impérial comme texte. Ce texte, par son unité conservée, permet de penser la structure même du régime impérial, et d’accéder au discours de l’Empire, à son autobiographie, au travers et au-delà de chaque règne. On découvrira dans ce livre de nouvelles approches du monnayage, sous la forme d’études de cas ; on se rendra compte de la présence, dans le monnayage même, d’une méthodologie textuelle ; on pourra lire, pour la première fois, un rassemblement de sources impériales et ainsi contredire un lieu commun trop fréquent, selon lequel le monnayage romain n’apparaissait pas dans les sources épigraphiques et littéraires.

La contribution la plus importante de La mémoire numismatique de l’Empire romain, cependant, est méthodologique : en associant méthodes philologique, iconographique et analyse littéraire, c’est l’étude du discours impérial lui-même qui est ici proposée.

Extrait

« La pensée du monnayage dans la doxographie des textes existe bien, même sous la forme de membra disiecta. Cependant, les fragments de cette réflexion, une fois pris les uns avec les autres, l’institution, l’image, l’empereur, la civilisation, sa mémoire, s’imbriquent parfaitement, et, mis ensemble, permettent de reconstituer l’entité symbolique dont le monnayage est l’expression; il s’agit bien là de l’Empire romain dans son ensemble ; non pas simplement l’Empire comme chronologie, ou comme géographie, mais quelque chose de bien plus large et de plus restreint à la fois, qui existe au travers des temps dans une unité qui fait que les texte de Suétone et de Pline, de Tacite, d’Epictète, et du Nouveau Testament, ne contredisent pas les écrits ultérieurs, qu’il s’agisse du De rebus bellicis, ou de l’Histoire Auguste, mais qu’ils s’accordent, concordent, pour donner à percevoir que, avec la monnaie, sont offertes à voir des images qui forment ensemble leur propre mémoire, prise dans une autre mémoire élargie, celle de l’empereur, de l’empire, de la civilisation romaine. Chacun de ces textes est comme un mot dont l’ensemble formerait une seule phrase.
 
Aux moments les plus vifs de son histoire, le monnayage devient pour lui-même un objet d’iconographie, et d’émissions. On le voit à la fin de la République, avec Titus Carisius ; et au moment de refondation de la tétrarchie. On le voit, aussi, surgir à d’autres moments, comme dans le cas de Probus évoquant Siscia. Ces moments sont rares, mais ils ont une importance considérable : avec Titus Carisius, c’est la fabrique même qui s’affiche ; avec Siscia, le lieu de frappe se voit accorder une importance en soi, qui justifie l’émission monétaire, et la venue de l’empereur ; avec Dioclétien et la Tétrarchie, c’est la Monnaie, qui est présente sur le monnayage, refondé pour recréer une nouvelle forme de sesterce. Ces moments signalent qu’il a pu exister, au sein du monnayage, une conscience de lui-même. Il ne s’agit pas, ou pas simplement, d’un fait marginal, sans importance, sans visibilité, opéré de façon secondaire. Car le monnayage se contemple aussi lui-même.
 
En outre, il opère, à de nombreuses reprises, dans une perspective ouvertement à la fois mémorielle et textuelle – les deux éléments étant liés. Il n’est pas simplement spéculaire, il crée aussi son système de référence. L’instrument de cette double action est la citation : d’un côté, le monnayage cite des textes qui lui sont extérieurs, qu’il s’approprie et dont il fait un fragment de son discours, qu’il s’agisse des Res gestae sous Néron autant que de Virgile sous Carausius ou Dioclétien – et ce ne sont là que quelques exemples parmi le bruissement infini du monnayage. De l’autre, le monnayage se cite, et se met au miroir de lui-même : ce sont les restitutions, qui choisissent dans les types précédents ce à quoi elles se rattachent, s’associent, et ce avec quoi elles viennent écrire une histoire; la mémoire est, sous Titus, sous Trajan, sous Marc Aurèle, sous Trajan Dèce, la matrice vivante d’une histoire s’élaborant à partir de la mémoire, qui est à chaque fois extrêmement précise et choisie. Enfin, en son achèvement, face au sentiment de sa fin, une partie de l’opinion romaine, celle qui est la plus consciente de son histoire et craint le plus qu’elle se termine, décide d’en invoquer la mémoire gréco-romaine avec les contorniates, objets monétiformes, qui, aux frontières du monnayage, en accomplissent au maximum les fonctions symboliques. »




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