Peau de vaches
Peau de vaches
Jacobs, Dominique  
Gavériaux, Vincent (Illustré par) 
  • Éditeur : Klincksieck
  • Collection : De Natura Rerum
  • EAN : 9782252045572
  • Code Dimedia : 000222495
  • Format : Broché
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Littérature française
  • Pages : 136
  • Prix : 30,95 $
  • Paru le 6 décembre 2021
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EAN: 9782252045572

Table des matières

Avant-propos
1 Un amour vache
2 Le plancher des vaches
3 La matière du mufle
4 L’affaire des cornes
5 Sons de cloches
6 Cortège de vaches
7 Le lait ou la viande
8 La vache enragée
9 Divines vaches

Extrait

​ « Je suis tombée amoureuse d’une vache. Oui, on peut tomber amoureux d’une vache, rarement d’un cochon, comme on peut être amoureux d’une vigne, rarement d’un hectare de betteraves.
 
C’était dans un champ banal, fleuri comme une tapisserie du Moyen Âge, et piqueté d’arbrisseaux. Un troupeau d’une trentaine de bêtes languissait sous un sapin. Une petite génisse, couleur café au lait, était venue jusqu’à la barrière pour sans doute brouter une touffe de graminées. Le courant du fil électrique qui servait de clôture passait entre nous avec des effets sentimentaux imprévus. Je n’avais jamais vu d’aussi beaux yeux de vache, sombres, bordés de longs cils clairs comme ceux d’une jeune fille. Elle en jouait à peu près de la même façon, avec un rien de rouerie dans le coup d’œil, même si, au bout d’un moment, elle s’était mise à loucher. Je lui faisais un effet bœuf.
 
Parler de regard bovin, c’est n’avoir rien compris aux vaches et à leur façon de s’exprimer. Que disent les yeux de la vache ? Ils disent qu’elle sera capable d’attachement et même d’affection, qu’elle sera capable du don de soi, car sa vocation première est de nourrir le veau qu’elle a fait naître et le petit enfant qui va grandir grâce à elle, bien qu’on puisse se demander ce qu’il reste de la vache dans le lait en poudre, premier contact du bébé avec l’alimentation. Il ne sait pas encore que seuls les êtres humains boivent le lait d’une autre espèce de mammifère qu’eux.
 
Les yeux de la vache disent aussi qu’elle est raisonnable, mais non dépourvue d’émotivité, comme le croirait tout observateur superficiel. Seulement elle ne fait pas la folle comme une chèvre qui frétille et qui grimpe partout, rendue étourdie par sa hâte de plaire, et qu’on appelle parfois avec condescendance la "vache du pauvre". La nôtre n’a pas le style capricant et n’est pas aussi liante ni écervelée, elle ne veut pas du morceau de pain tendu au bout des doigts. Elle n’en mange pas, de ce pain-là. Ses yeux disent qu’elle est indomptable, voire frondeuse, et que personne ne lui fera la loi, à part le chien du fermier, nous y reviendrons. Ils disent aussi qu’elle apprendra moins bien qu’un cheval. Ce n’est pas elle qui défilera au son des clairons de la Garde Républicaine, qui sautera des obstacles en troncs d’arbre dans un concours hippique, ou qui supportera un passager pour tourner en rond au bout d’une corde dans un manège. Elle ne tolèrerait jamais l’attirail de l’art équestre. »




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