Choses dernières [édition bilingue]
Choses dernières [édition bilingue]
Saba, Umberto  
Simeone, Bernard (Traduit par) 
  • Éditeur : Ypsilon
  • Collection : Hors-collection
  • EAN : 9782356540980
  • Code Dimedia : 000210754
  • Format : Broché
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Littérature italienne/roumaine, Poésie
  • Pages : 112
  • Prix : 27,95 $
  • Paru le 19 octobre 2020
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EAN: 9782356540980

Poète et rien d’autre, Umberto Saba (nait Italien à Trieste en 1883 quand la ville était sous l’Empire austro-hongrois) réussit à vivre et à survivre pendant l’une des époques les plus tragique de l’histoire de l’humanité (deux guerres mondiales en tant que juif) probablement grâce à cette nécessité d’écrire qui est la sienne. Honnête et irrépressible. Chez Saba, la poésie est l’une des fonctions naturelles de l’homme, c’est un évènement naturel. Chaque saison, chaque geste il le confie au papier. Et dans ce recueil de poèmes de la maturité, les paroles se font choses. Toutes simples. De la vie quotidienne. « Travail », « Petite fontaine », « Bouche », « Lieu cher »… Saba continue et intensifie son travail de polissage et de synthèse – qu’il avait commencé quelques années auparavant, lors de la composition de Paroles (1933-1934), le recueil qui précède Choses dernières (1935-1943) – à la recherche de la plus grande limpidité, formellement et psychologiquement, afin que ces « dernières choses » soient des « paroles » portées à leurs conséquences extrêmes. Ces 43 poèmes sont écrits en 8 ans, la pire période de sa vie, quand il est obligé de se cacher pour fuir la persécution fasciste et nazie. Il doit alors ramasser ses choses pour résister, pour faire face à un sentiment de mort omniprésent, pour se nourrir de souvenirs et émotions passés en les rendant présents et vivants.
 
Saba a une idée précise du travail du poète qui doit être complétement dédié à la représentation et à la compréhension du monde intérieur et extérieur. Loin de toute école et des avant-gardes, Saba met en scène cet homme du Novecento qui est lui-même mais qui veut toucher tout le monde. Au croisement de l’ancien et du nouveau, l’écriture de Saba est d’une rare originalité. Claire comme celle de Penna qu’il jalousait, moins sophistiquée que celle de ses contemporains Ungaretti et Montale qui l’aimaient, la plume de Saba, espiègle, se vante de savoir toujours employer la rime immémoriale amore/fiore et faire encore du beau.

AUTEUR(S)

Umberto Saba est né le 9 mars 1883 à Trieste, ville cosmopolite, brassant les langues et les populations. Il est né Umberto Poli, fils d’Eduardo Abramo Poli et de Felicia Rachelle Cohen. Par amour son père se convertit au judaïsme, qu’il va vite abandonner, ainsi que sa famille. Dans un univers austro-hongrois, Umberto se sent italien avant tout. Il est confié à une nourrice slovène, Peppa Sabaz, qui sera sa source d’amour et de tendresse, sa« mère-joie ». Il étudie plus ou moins bien, et publie ses premiers poèmes à dix-sept ans.
 
En 1903 il part à Pise étudier à l’université. Après son service militaire il épouse, selon la tradition juive, Carolina Woefler, la Lina de ses poèmes d’amour, le 28 février 1909. Leur fille Linuccia naît en janvier 1910. Son premier recueil Poésie paraît en 1911. Le second Coi miei occhi date de 1912.
 
Il prend le pseudonyme de Saba, autant hommage à sa nourrice, qu’à son judaïsme. Dès 1920, il fait légaliser ce nom. En 1919 il achète une librairie de livres anciens au 30 de la Via San Nicolò qu’il va tenir presque toute sa vie. Entre le travail de libraire, des crises de neurasthénie et la psychothérapie, il édifie son oeuvre poétique contenue dans Il Canzonière, mal reçue par le public et les critiques (d'où la création d’un Saba critique de lui-même et son Storia e cronistoria del Canzoniere parue en 1948). Il devient l’ami d’Eugenio Montale et d’Italo Svevo dès 1923. Ungaretti l’admire. Elsa Morante aussi.
 
À la déclaration de la guerre en 1939, poursuivi par les lois raciales, il est à Rome où Ungaretti essaie de l'aider. Ses livres sont interdits. Pendant l’occupation allemande, il doit se cacher à Florence en tant que juif et il échappe à la déportation en fuyant sans cesse. Son ami Eugenio Montale aidera à le sauver. À la libération il revient dans sa chère ville de Trieste. Il meurt le 25 août 1957 à la clinique San Giusto di Gorizia, neuf mois après la mort de sa femme.

Extrait

« Voilà ce que sont vraiment Choses dernières : une larme qui ne se voit pas, ou à peine. »


PORT

…Et moi pour l’oublier j’erre encore
dans le port, comme un Levantin.
(Trieste et une femme)
 
Ici où des copistes imberbes enregistraient
le poids, où courbés sous la charge
les débardeurs ruisselants en file indienne
montaient descendaient entre môles
et hauts bords les échelles tremblantes, prisonnier
des jurons, des gémissements, la moindre
pensée de la vie me blessait.
 
Je cherchais pour elle un coin riant.
Il y en avait beaucoup à l’ombre des tonnelles,
dans ma ville inquiète. J’avais hâte
de m’isoler avec elle, d’assembler quelques
vers, de tirer de son mal un bien.
 
J’espère encore un refuge à l’excès du temps.
Voici, par miracle je l’ai trouvé.
Je puis tout avoir, si je demande, hors
ce coeur, cet air qui furent miens, ce temps-là.


TRAVAIL

Autrefois
ma vie était facile. La terre
me donnait fleurs fruits en abondance.
 
Aujourd’hui je défriche un terrain sec et dur.
Ma bêche
se heurte à des pierres, à des ronces. Je dois creuser
profond, comme qui cherche un trésor.
 
 
Un extrait du livre
[Extrait de la postface de Bernard Simeone]
Persécuté par les lois raciales (il devra bientôt se réfugier à Florence), Umberto Saba écrit à Giulio Einaudi, en 1943, qu’il vient d’achever Choses dernières. Désormais, son espoir se tourne vers la fin du conflit, quand paraîtra, délivrée des censeurs fascistes, la nouvelle édition du Canzoniere [son journal poétique, œuvre d'une vie], dont Choses dernières sera la section finale : choses neuves, peut-être ultimes... Âgé de soixante ans, Saba estime sans doute qu’il survivra de peu à la guerre.
Georges Haldas a comparé ces poèmes aux derniers quatuors de Beethoven : dans l’un et l’autre cas, on perçoit à l’évidence une visée testamentaire, et plus encore l’état singulier de qui écrit ou compose en situation pré-posthume, dans l’étrange intimité d’un fantasme de mort.
Apaisée par la douceur du crépuscule, une angoisse d’extrême fin suscite chez Saba, de 1935 à 1943, son cycle le plus parfait : la condensation y débouche sur une vastitude intérieure et du monde, à une heure pourtant de haute solitude.




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