Parle-moi
Parle-moi
Hjorth, Vigdis  
Hervieu, Hélène (Traduit par) 
  • Éditeur : Belles Lettres (Les)
  • Collection : Exception (L')
  • EAN : 9782251451015
  • Code Dimedia : 000209628
  • Format : Broché
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Littérature scandinave
  • Pages : 296
  • Prix : 41,95 $
  • Paru le 23 novembre 2020
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EAN: 9782251451015

Une bibliothécaire d’une petite ville de Norvège, seule et désœuvrée, part presque malgré elle en vacances à Cuba où elle est séduite par un musicien. L’histoire d’amour intéressée finira par tourner court après de nombreuses péripéties et allers et retours, mais aura été, sans illusion aucune, jusqu’au mariage.
 
Mais que peut faire un Cubain en hiver en Norvège? Au-delà du regard porté sur une autre culture, un autre corps, c’est toute la détresse, la solitude, l’enfermement de cette femme – pas dupe – qui est décrit ici, non sans humour. La question migratoire s’en trouve détournée. Qui fuit quoi?
 
Parle-moi est un livre sur la solitude et le regard sur l’étranger, avec son lot de clichés, de préjugés, de mauvaise conscience. Son originalité se démarque dans le traitement exigeant et intériorisé du thème. On pense au Vers le Sud de Dany Laferrière, mais ici l’accent est moins mis sur la consommation sexuelle que sur le désarroi existentiel et l’irréductibilité de la différence qui renvoie toujours à la solitude. Bref, il y a ici quelque chose de Virginia Woolf, mais dans un style décapé. Le plus malheureux n’est pas celui qu’on croit.
 
Ce livre à paraître dans la collection « L’Exception » s’inscrit dans la continuité d’Une maison en Norvège, parue l’année dernière. Cette collection, avec des textes de Rezvani, Ragnar Hovland ou Dazai Osamu, suit un auteur pour permettre la (re)découverte d’écrivains qui n’ont pas forcément trouvé leur public, et un approfondissement de leur univers. C’est une démarche courageuse et respectueuse de l’œuvre d’un auteur.

AUTEUR(S)

Vidgis Hjorth (née en 1959) est une romancière norvégienne. Elle jouit d’une grande renommée dans son pays, qui commence à se diffuser à l’étranger. Elle a grandi à Oslo, où elle a étudié la philosophie, la littérature et les sciences politiques. Elle a écrit depuis plus d’une quinzaine d’ouvrages et a reçu de nombreux prix. Une maison en Norvège a été publié aux Belles Lettres en 2018.
 
Hélène Hervieu est née en 1956 à Oslo. Professeur d’allemand et de norvégien, elle a traduit de très nombreux livres en langues scandinaves et en allemand (dont le bestseller Le Monde de Sophie de Jostein Gaarder, qui s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires) et Nous, les noyés de Carsten Jensen (Prix de la traduction francophone à Copenhague et Prix du festival Étonnants Voyageurs en 2009). Pour les Belles Lettres, elle a déjà traduit Une maison en Norvège de Vigdis Hjorth (2018) et Douce nuit de Ragnar Hovland (2017).

Extrait

« Son image du monde tremblait. C’était du sérieux. Cela signifiait quelque chose. Cela était tissé dans l’histoire, dans le monde, je l’enviais, qu’est-ce que j’avais, moi? Je n’avais que toi, au loin, même pas ça. Elle me parlait de la situation politique comme si cela m’intéressait, comme si je brûlais de comprendre, bientôt je serais démasquée. Elle me regarda comme si j’avais réfléchi au sujet. Le communisme a perdu la face, non? demanda-t-elle, à moi. Je n’y avais pas réfléchi en posant des critères de principes, je n’avais pas de principes, j’en pris alors conscience. Est-ce que j’avais été heureuse de voir tomber le mur de Berlin? Sûrement, tout le monde était content de voir tomber ce mur, une sorte de joie et un élan d’enthousiasme à la télévision, la liberté dans son sillage pour beaucoup de gens, la liberté c’est bien. Tu avais sept ans. En avons-nous parlé? Sûrement pas. T’avais-je expliqué l’événement? Sûrement pas, cela avait glissé sur nous comme tout le reste. Elle me regarda comme si j’étais plongée dans des interrogations politiques, il a dû y avoir une faiblesse quelque part, dit-elle, un nivellement de la pensée politique des pays communistes, dit-elle, ceux pour qui j’avais marqué une préférence dans une vie antérieure. Elle me regarda comme si j’avais peut-être une réponse, ou du moins une pensée. Pourtant les idées de base n’étaient pas insensées? me demanda-t-elle, à moi. Car les pays capitalistes n’ont toujours pas fait disparaître la pauvreté, ou je me trompe? […] Je n’étais d’aucune aide. Posai une main sur son épaule, elle pencha sa joue contre elle, pourquoi me croyait-elle intelligente? Parce que je pouvais lire tout ce que je ne lisais pas, me plonger dans tout ce qui lui était inaccessible, comme si je me servais de tout ce qu’elle regrettait de ne pouvoir connaître, ce n’était pas ainsi que ça fonctionnait. Je lui caressai les cheveux en lui disant que je comprenais, mais je ne comprenais pas. Je ne parviens plus à juger ce que j’avance, dit-elle, c’est difficile de dire la vérité sur quelque chose qui subit une attaque.
 
C’était moi qui apprenais. Moi qui avais besoin de toujours plus et qui n’arrêtais pas de recevoir. La lumière disparut d’un coup, comme sous une avalanche, et les couleurs de toutes les choses luirent comme des lampions. Plus je les regardais, plus les feuilles des bananiers épaississaient, les sons aussi, tant l’attente était forte par cette douce soirée, il ne faisait plus cette chaleur anesthésiante. Les voix s’élevaient sur le trottoir, elle demanda si nous allions nous autoriser à prendre quelque chose qui brûlerait l’estomac, je dis oui, si vous voulez. Elle dévissa le bouchon d’une bouteille achetée à la boutique de l’hôtel et me la tendit, je goûtai, elle but et fit une grimace pour montrer que ça brûlait par où ça passait. Me prit par le bras et m’entraîna dehors, en passant entre les piles de livres, devant le frigo qui faisait un bruit de perceuse, jusque sur le trottoir, la lumière des réverbères jetait un éclairage jaune sur les façades rose et citron vert à la peinture écaillée, les colonnes aux reliefs corinthiens, une surabondance d’éléments architectoniques en tout genre, sous le ciel étoilé de constellations étrangères. […] Il m’aperçut derrière la pile, sourit légèrement, vint vers moi, passa un bras autour de moi, peut-être que je peux au moins êtres des Balkans, pensai-je, lorsque les douze coups de minuit sonnèrent, il embrassa les autres sur les autres sur la joue, moi sur la bouche, moi la femme blanche d’Enrique. »




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