Dits et médits
Dits et médits
Fragments authentiques - suivis d'apocryphes
Nil Gai, Abed  
Biga, Daniel (Adapté par) 
  • Éditeur : Unes
  • Collection : Hors-collection
  • EAN : 9782877042130
  • Code Dimedia : 000206217
  • Format : Broché
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Poésie, Texte ancien / Grèce antique
  • Pages : 80
  • Prix : 29,95 $
  • Paru le 23 mars 2020
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EAN: 9782877042130

Et comme l'enfant reposé au sol riait dans la lumière, ils le nommèrent Abed Nil Gai. Et ainsi grandit-il, en force, en sagesse, en gaieté. Fellah et artisan, façonneur de briques crues, épandeur de limon fertile, semeur de graines et récolteur de fruits, moissonneur et vendangeur il apprit aussi à tisser le lin blanc, assembler les planches, tailler les tenons et mortaises pour fabriquer les coffres et les meubles. Les animaux domestiques l'aimaient et il savait aussi apprivoiser les bêtes sauvages. Il conduisait habilement sa barque de papyrus assemblés dans le dédale des canaux et sur les bras du fleuve d'or : d'un mouvement ample il jetait son filet qu'il ramenait rempli de poissons d'argent.
 
Adolescent il devint scribe et fut initié du Temple et de la Maison de la Vie. Au soir il retrouvait ses amis à l'ombre des terrasses.
 
Avancé en âge il eut des disciples - jeunes hommes, jeunes filles, femmes ou hommes mûrs attirés par sa renommée. Il les acceptait près de lui. Peu bavard il ouvrait cependant parfois la bouche.
 
Ce sont quelques-unes de ses paroles qui sont rapportées ici.


« Tout parle : mais qui entend? », demande Abed le prophète. Mais quel prophète? Usurpateur et sincère, profond et profane, parodique, répétitif, quel est ce demi-fou qui parle aux banquiers, aux voyageurs, aux pharaons et à leurs ministres? Qui interpelle l’homme et la femme, l’enseignant et l’élève, le plus petit et le plus grand? Roi de la contradiction, maître du paradoxe, il mélange les influences et les spiritualités. Comme tout élu, il se fait porteur de la parole sacrée, mais quelle parole? Quand on lui demande qui est dieu, seul le silence répond. Quelle parole alors? Celle dont Daniel Biga se fait le rapporteur et le traducteur, disparaissant derrière elle, abandonnant toute prétention à la véracité, endossant un rôle d’auteur en chausse-trappe. Il mêle fragments certifiés exacts et d’autres apocryphes, mêle le vrai au faux sans distinction, entre créations, emprunts, citations, banalités, provocations, sarcasmes, supercherie ; comment savoir quel discours est à l’œuvre? Celui d’Abed Nil Gai, libertaire, vaurien, à moitié clown œcuménique, anagramme espiègle, pure invention comme l’est toute parole. Il exhorte les autres à inventer la vérité, se contredit sans cesse : c’est qu’on a réponse à tout quand on peut dire n’importe quoi. Enfant facétieux, Abed, dont les mots sont insaisissables, et qui nous place, à coups de rires et de grimaces, face à ce devoir absolu de chacun qui est de ne pas prendre la parole pour ce qu’elle est, de ne pas la figer dans sa pure énonciation. Daniel Biga opère ici à une démonstration par l’absurde de la sacralisation de la parole, qui n’est jamais qu’une parole d’homme, créée par les hommes pour les hommes. Il la jette en l’air comme une pièce aux mille facettes, faisant jouer ses reflets, et laissant à chacun le loisir de s’aveugler et de se perdre dans les digressions infinies des textes. « Ni dieu ni idole ni rien ni personne hors toi », Abed et son traducteur croient paradoxalement à la vertu du silence, au scepticisme, aux répétitions erronées. Aimer, être doucement, débattre en soi-même, face à la relativité des vérités imposées, « la clef secrète, l’outil magique » c’est la pensée, c’est inventer sa liberté.

AUTEUR(S)

Daniel Biga est né à Nice en mars 1940. Son premier livre, Oiseaux Mohicans, publié en 1970 (prix Roberge de l’Académie Française) trouve auprès d’une génération un écho avec les aspirations de mai 68. Collages, motifs urbains, lyrisme au plus proche du quotidien, ingrédients de ce qu’on appellera la beat generation française, autour de la revue Chorus, dont Daniel Biga aux côtés de Franck Venaille et Pierre Tilman, est la figure la plus sauvage. Kilroy was here!, puis Octobre viendront confirmer cet élan de liberté et d’émancipation. Le début des années 80 verra la publication d’un livre majeur de son œuvre, L’Amour d’Amirat, qui connaîtra un important succès. Cet ouvrage apaisé où culmine un retour à la nature et à la solitude est perçu comme une concrétisation possible des idéaux exprimés dans les années 70. Poète du XXème siècle et demi comme il aime à le dire, Daniel Biga est l’auteur d’une quarantaine de livres, publiés chez divers éditeurs (P.J Oswald, Le Cherche Midi, Le Castor Astral, Tarabuste…). Il a travaillé avec de nombreux artistes comme Ernest Pignon Ernest, Ben, Bernard Pagès, ou encore Claude Viallat. Il a été président de la Maison de la poésie de Nantes de 2001 à 2007. L’œuvre de Daniel Biga a fait l’objet d’une anthologie publiée au Castor Astral en 2003 sous le titre Le poète ne cotise pas à la sécurité sociale, et les éditions du Cherche-Midi ont réédité en 2013 un volume réunissant quatre de ses recueils majeurs : L’Amour d’Amirat, Né nu, Kilroy was here! et Oiseaux Mohicans. Daniel Biga est l’auteur d’Alimentation générale (2014) et d’Octobre (2017) aux Editions Unes.




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