État stationnaire
État stationnaire
Lamarche-Vadel, Bernard  
  • Éditeur : Unes
  • Collection : Hors-collection
  • EAN : 9782877042062
  • Code Dimedia : 000199974
  • Format : Poche
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Littérature française
  • Pages : 40
  • Prix : 22,95 $
  • Paru le 16 septembre 2019
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EAN: 9782877042062

À cette époque, je n’avais pas peur de regarder des symboles. Lorsque nous étions au mois de novembre, la vitesse du fleuve augmentait, et les eaux gonflées des pluies de l’automne s’élevaient souvent jusqu’au niveau des embarcadères privés, et atteignaient aussi les racines et les branchages, au long des berges. J’aimais alors surveiller le transport fluvial des feuilles mortes de marrionniers, de platanes, de chênes et combien d’autres espèces, et des brindilles perdues, qui venaient s’agglutiner contre une racine ou une branche tombée dans l’eau.

Dans la famille, on est vétérinaires de pères en fils, décision implacable voulue par tous et décidée par personne. C’est le point de départ d’État stationnaire bref texte de 1985, que Bernard Lamarche-Vadel reprendra partiellement en 1994 en ouverture de son premier roman, Vétérinaires. Si Vétérinaires déploie ses tableaux hallucinés, entre drame et farce féroce, État stationnaire suit pour sa part la lente dérive mélancolique de son personnage. Dans l’immobilité du corps, c’est au langage d’inventer de nouvelles constructions, de creuser des possibles. Il doit trouver une place nette dans la divagation de l’esprit. Mais qui parle au juste, à voix haute à l’intérieur de lui-même? Lamarche-Vadel impose le paysage, les journées répétitives autour des idées enfouies au bord de la Marne, dans les paysages terne d’Ile de France, entre deux visites de routines à des animaux vaguement malades. Il trace la géographie d’une existence impossible à saisir, cherche un point d’accroche en observant les feuilles s’agglutiner sur le fleuve, au fil des saisons. On pourrait se fondre dans la comédie des autres, dans « la politesse comme l’altitude la plus efficace protection de soi-même »; mais on ne peut pas. C’est le moment qui s’étend comme on étend un corps. Il reste la vision des amitiés immobiles, des amours un peu mornes, dans une vie qu’on a fait en restant à sa petite place. « L’idée était que tout demeurait, le fil n’était pas coupé », on s’accroche au meilleur moyen de laisser faire. Dans cette vie nature où les mots vont trop vite, le meilleur moyen de laisser faire est d’observer le lent mouvement des autres, leur cordialité quotidienne, la solitude impossible à combler. « Parfois nous nous tournions l’un vers l’autre en souriant, c’était l’état stationnaire », on respire lentement, et dans un geste tout aussi lent, laisser pousser les végétations du réel.
 

AUTEUR(S)

Bernard Lamarche-Vadel est né en 1949 à Avallon. Poète, romancier et critique d’art, il compose avec une grande virtuosité de style une œuvre hantée par la violence familiale, où se mêlent invention et biographie, grotesque et tragique, célébration de l’art et pulsions de mort. Son premier recueil de poèmes, Du chien les bonbonnes, est publié en 1976 par Bourgois. Il fonde la revue Artistes et est l’auteur de nombreuses monographies sur des plasticiens (dont Arman, Joseph Beuys, Alberto Giacometti, Helmut Newton, Jean-Pierre Pincemin, Jacques Villeglé). L'Académie Française décerne le Prix Roberge à son recueil Lisible pour M. (Editions Unes, 1983). Son premier roman, Vétérinaires (Gallimard), reçoit le Prix Goncourt du premier roman en 1994. Il publie encore deux romans, Tout casse (1995) et Sa vie son œuvre (1997), ainsi qu'un récit L'art, le suicide, la princesse et son agonie (1998). Il se donne la mort en 2000 dans son château de la Rongère en Mayenne. Ses poésies complètes sont réunies sous le titre De la douce hystérie des bilans par les Editions Unes la même année.




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