Momus
Momus
Alberti, Leon Battista  
  • Éditeur : Belles Lettres (Les)
  • Collection : Classiques de l'Humanisme
  • EAN : 9782251449159
  • Code Dimedia : 000183197
  • Format : Broché
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Texte ancien / Grèce antique
  • Pages : 440
  • Prix : 125,00 $
  • Paru le 15 avril 2019
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EAN: 9782251449159

Roman pseudo-mythologique à bien des égards insaisissable, empreint d’un humour caustique, rempli d’allusions indéchiffrables au monde contemporain et, plus encore, de références aux universaux humains, le Momus est sans aucun doute le plus captivant lusus d’Alberti, l’une des trois grandes formes d’écriture et d’investigation – avec le traité et le dialogue – que l’humaniste a cultivées et dans lesquelles il a excellé. C’est aussi, et sans conteste, le chef-d’œuvre de la prose humaniste du XVe siècle et l’un des sommets de la littérature humoristique de tous les temps en langue latine.

Conçu et composé essentiellement à Rome, peut-être à partir de l’été 1443, puis vraisemblablement terminé, dans sa rédaction la plus ancienne, autour de 1450, mais jamais publié par son auteur, qui dut au contraire continuer à y travailler dans les décennies suivantes, il représente assurément, avec le De re ædificatoria, à son tour fort probablement jamais publié par l’humaniste, l’un des tout premiers et très ambitieux chantiers ouverts par le “ nouveau cours ”, désormais presque exclusivement latin et de plus en plus nettement technico-artistique ou scientifique d’un côté et “ ludique ” de l’autre, que prend alors l’oeuvre d’Alberti.

Descendu, comme on a pu le dire, de l’« Olympe déchu de Lucien », Momus, son grand héros, n’est autre qu’un alter ego extrémiste, radical ou même fiévreux de l’auteur et, par là même, de n’importe lequel d’entre nous – ou, si l’on préfère, une projection de nous-mêmes, une projection joueuse par désespoir, folle de lucidité autant que de malice amère et douloureuse.  

Dieu querelleur du reproche et de la provocation, déstabilisant et presque terroriste par ses incessantes fantaisies subversives ; dieu hargneux, odieux, dénigreur, calomniateur et démagogue, Momus est aussi celui qui dévoile lucidement la vérité des faits et des choses, ainsi que les mobiles et les intentions des hommes et des dieux. Capable aussi bien de démasquer sans pitié que de mystifier de la manière la plus grossière et la plus inattendue, il est surtout dépeint comme un dieu de la dérision et de la désacralisation d’une part, de la métamorphose et de la duplicité ou de la dissimulation de l’autre. Ce sont toutefois l’ambiguïté insaisissable, l’inépuisable polyvalence et, en même temps, l’activité frénétique et l’imagination déréglée dont il fait preuve qui sont à la source du penchant nihiliste et de l’âme anarchisante de cette divinité caméléonesque.

Reprises et postérité
Alors même qu’il reprend incontestablement des suggestions plus ou moins génériques de la tradition grecque antique, depuis Hésiode (Théogonie, 213-214) jusqu’à Platon (République, 487a), à Callimaque (Hymnes, II 113 ; Épigrammes, fr. 393 Pfeiffer) et à Lucien (Deorum concilium et Hermotimus), et que son nom (du gr. « μῶμοϛ », ‘reproche’, ‘raillerie’, ‘dérision’, etc.) apparaît très tôt dans des productions littéraires ou figuratives d’inspiration érasmienne, qui se prolongent de diverses manières dans une iconographie ad hoc, comme en témoignent les dessins et gravures de Hans Holbein le Jeune pour l’Encomium moriæ d’Érasme (1515), le personnage de Momus ne saurait être vu autrement, dans sa richesse et sa complexité elles-mêmes – tantôt de « monstrorum procreator » (II 9, au dire de Pallas) ou de « consceleratissumus rerum perturbator » (III 74, dans le jugement de Jupiter), tantôt de dénonciateur accablant des « fictiones » communes (et nécessaires) à tous les hommes –, que comme une création essentiellement et authentiquement albertienne. On ne sait presque rien de précis, cependant, sur sa destinée posthume comme sur la fortune des significations et des motifs nombreux que ce roman lui associe.

S’il peut être rapproché de la peinture de Jérôme Bosch, le Momus n’en alimente pas moins un courant de néolucianisme et, parallèlement, de littérature utopique ou 3 utopiste qui, à travers Thomas More et Érasme, l’Arioste et Rabelais, ou même le Doni des Mondi (1553), va au moins jusqu’au Spaccio della bestia trionfante (1584) de Giordano Bruno et à Cervantès. D’un côté, il s’épanouit dans les romans picaresques, depuis le Lazarillo de Tormes ou le Guzmán de Alfarache jusqu’à La pícara Justina ; de l’autre, il préfigure par de nombreux traits l’abondante littérature libertine des XVIIe et XVIIIe siècles européens. 




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