Au détour d’un corridor d’hôpital, deux médecins confrontent leur vision du monde en un pari terrible : est-il possible d’offrir encore quelques semaines de vie heureuse à une patiente âgée, sans papiers, arrivée à l’urgence en civière ? L’enjeu est de taille, particulièrement pour Max Laforest, omnipraticienne à bout de souffle, grugée par le pic bois de l’angoisse qui lui tenaille l’intérieur, et pour Ala, sa mystérieuse patiente. Au fil de ce roman d’orages et d’embellies, les deux femmes au cœur muré devront apprendre à accepter leur passé pour mieux en soigner les blessures.

Extrait
La digue a tenu pendant de longues années au cours desquelles mes souvenirs d’enfance semblaient endormis. Parfois, au hasard d’une rencontre, d’un mot ou d’un bouquet d’odeurs, le mur se lézardait et le passé ruisselait. Je renouais alors avec l’horreur ou l’enchantement. De la masse confuse des années emmêlées émergeaient tour à tour des pommiers en fleurs et des spectres effrayants.
Je sais à quel moment la digue s’est rompue. J’arrive à déterminer le jour, le point tournant, mais je m’interroge encore sur l’enchaînement de moments décisifs. Je me demande alors : tout cela serait-il arrivé s’il n’y avait pas eu ce petit banc de bois éclaboussé de soleil un certain matin d’avril ? Si je n’avais pas été de garde à l’urgence le jour même où Ala s’est écroulée sur le trottoir à l’angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Denis ? Si je n’avais pas reçu cette fameuse carte d’invitation de ma mère ? Aurait-il suffi de modifier l’un ou l’autre de ces événements pour que la suite soit changée et que je ne sois pas seule ici, au bord du lac, une croix de bois plantée à mes pieds ?

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