Je voulais écrire un poème
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Quand Edith Heal propose à William Carlos Williams au milieu des années 1950 de se prêter à une série d’entretiens autour de son œuvre le poète américain est alors âgé de 75 ans | accompagné par son épouse Florence H. Wiliams (Flossie), il accepte de jeter un regard rétrospectif sur son parcours à travers ses livres. Au fil de ces conversations alertes, complices et fourmillantes de détails sur le monde littéraire américain du début du XXe siècle, William Carlos Williams évoque de façon chronologique son parcours poétique, de son premier livre publié en 1909 à compte d’auteur, Poems, jusqu’à ses derniers ouvrages de la fin des années 1950, et notamment la série des Paterson. De ses premières lectures poétiques, Keats et Whitman, à son amitié avec Ezra Pound en passant par sa carrière de médecin pédiatre, celui qu’Edith Heal appelle le Dr. Williams, et qui est venu à la poésie « seul dans son coin », mêle avec une grande fluidité, détails biographiques, réflexions théoriques et commentaires de ses propres poèmes.
On traverse une époque d’avant-gardes littéraires, les figures de Marianne Moore, de Mina Loy et de Hilda Doolittle, l’univers des petits éditeurs et des revues le plus souvent confidentielles qui ont accueilli les premières publication de Williams, qu’il soutiendra tout au long de son parcours avec reconnaissance, l’aventure des objectivistes avec Reznikoff, Stevens, Oppen, Rakosi et Zukovsky, l’influence européenne… au cours de cet ouvrage dans lequel on traverse de nombreux extraits d’une œuvre composée de poèmes, de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, de traductions de Soupault et Quevedo, et qui est à la fois une autobiographie vivante, une bibliographie exhaustive, une porte d’entrée et un mode d’emploi de la démarche littéraire de l’un des plus grands poètes américains de son temps.
Il ressort de ce portrait, de cette expérience qui n’est pas « très différente finalement de celle du nouveau poète de demain », une présence charnelle, sexuée du poème, un rapport à la construction des images, une force du réel également, tant les sujets des livres de Williams sont puisés à même la vie quotidienne, sans jamais se détourner de la brutalité sociale dont sont victimes ses contemporaines dans les années de crise économique et de guerre. Et surtout son obsession de la simplicité, sa volonté de dégager une forme poétique « sans déformer la langue telle qu’on la parle », sa conquête d’une forme propre dont ce qu’il appelle « l’idiome américain » est le vecteur : direct, oral, limpide. En somme, un parcours dominé par « le besoin d’en apprendre le plus possible sur la poésie et le besoin d’en apprendre le plus possible sur la vie, qui n’est pas plus poésie que prose ».
Né en 1883 dans le New-Jersey, William Carlos Williams est une figure phare du modernisme littéraire américain. Il découvre la poésie à l’université avec ses amis Ezra Pound et Hilda Doolittle. Connu comme l’écrivain qui a mis au monde trois mille enfants, il passe sa vie à Paterson entre la pratique de la médecine et l’écriture. Il fait aussi plusieurs voyages en Europe, et fréquente de nombreux artistes et écrivains proches des mouvements modernistes (Marcel Duchamp, T.S. Eliot, James Joyce, Man Ray, Wallace Stevens). Il est l’auteur de nombreux livres de poèmes (Paterson, Raisins surs, Le Printemps et le reste), de nouvelles et d’essais critiques. Son œuvre marquée par l'expérimentation, l'attachement au concret et une métrique irrégulière a eu une influence majeure sur toute une génération d’écrivains américains qu’il a souvent côtoyés et soutenus comme Robert Creeley, Allen Ginsberg, Charles Olson, Kenneth Rexroth, Charles Reznikoff ou Gary Snyder. Sa santé se dégrade à la fin des années 1940 alors que ses livres connaissent un succès grandissant, il meurt en 1963 à la suite d’épisodes dépressifs et de problèmes cardiaques. La même année, il obtient à titre posthume le Prix Pulitzer pour Tableaux d’après Bruegel.
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