
Jeune dans sa tête
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• Dans la presse, dès qu’un événement dramatique implique un adolescent, sont systématiquement mis en avant les résultats des recherches neuroscientifiques qui « décodent » de tels comportements à travers des caractéristiques relevant d’un développement cérébral qui serait propre à cet âge : « malléabilité », « immaturité » et, surtout, « prise de risque inconsidérée » — bref, « un bolide dépourvu de frein ».
• Ces descriptions neuro-développementales, axées sur la réduction de l’individu à son cerveau, ont pris depuis une quinzaine d’années une place prépondérante dans l’approche des problèmes « jeunes », au point de devenir un discours influençant les politiques sociales, sanitaires et de prévention.
• Afin d’interroger les racines de ce phénomène scientifique et culturel tout en y apportant un regard critique, Jeune dans sa tête propose une histoire qui remonte le fil de la construction de ce que l’on appelle désormais le « cerveau adolescent », tout en faisant ressortir les recoupements entre discours scientifique et fabrique sociale.
• Face à cette nouvelle norme descriptive des comportements adolescents qui transforme le sujet en sujet cérébral et l’universalise selon un schème directeur biologisant, Christel Gumy opte pour un cadre d’interprétation qui replace l’individu adolescent dans une perspective sociale et surtout genrée. Car, en effet, les théories neuroscientifiques concernées, d’origine nord-américaine, sont implicitement pétries d’un préjugé qui fait de leur sujet-type un garçon issu de milieux défavorisés, laissant clairement à penser que ces recherches sont sous-tendues par des enjeux politiques et sociaux genrés et normalisants, que l’auteur qualifie de « neurosexistes ».
• Enfin, à travers son parcours historique et critique, l’auteur montre comment les chercheurs en neurosciences ont peu à peu constitué une plate-forme interdisciplinaire grâce à laquelle sciences biologiques et sciences sociales relayent et diffusent leurs théories cérébrales, selon leurs spécificités propres, se renforçant ainsi mutuellement.
Christel Gumy est historienne des sciences et de la médecine. Elle élabore dans ses travaux une réflexion critique sur les neurosciences dans leurs dimensions sociale et culturelle. Elle est actuellement directrice de recherche au sein de la Commission Indépendante d’experts (CIE) chargée de réaliser une étude scientifique sur les internements administratifs en Suisse. Elle est également membre du groupe international et interdisciplinaire « NeuroGenderings » réunissant des chercheuses qui élaborent une réflexion féministe critique sur les neurosciences.
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