On accuse parfois les intellectuels progressistes d’être déracinés. Aucune expression ne saurait être plus injuste à l’endroit de Georges Leroux. Né au sein d’une famille de la petite bourgeoisie catholique, il a évolué, de sa formation chez les Jésuites aux débats politiques enflammés du Québec des années 1970 et 1980, en passant par les années studieuses à Paris. Partout il se révèle un constructeur d’institutions, un intellectuel engagé au sein de sa société, et surtout un connaisseur perspicace et attentif du débat public qui a peu à peu façonné le Québec d’aujourd’hui. Pensons en particulier à son engagement des dix dernières années au service du pluralisme.
 
Dans ces entretiens avec Christian Nadeau, Georges Leroux célèbre un idéal d’amitié intellectuelle qu’il a découvert dans sa jeunesse, au début de sa formation à l’Institut d’études médiévales, et retrouvé à différents moments de sa longue carrière. Le récit de sa vie devient alors l’accompagnement de toute une période d’effervescence, où le Québec s’est doté de grandes institutions publiques, d’une vie intellectuelle et culturelle diversifiée, de savoirs et d’espoirs.
 
À la question, souvent posée, de savoir où sont passés les intellectuels, Georges Leroux répond toujours présent, même si, à la manière du grand Bach qu’il aime tant, cela se fait le plus souvent sur le mode du contrepoint. En effet, il ne faut surtout pas oublier le rôle des figures marquantes de la dissidence dans son panthéon. Loin du consensualisme frileux et de l’abnégation, Georges Leroux a toujours voulu agir de manière à témoigner avec courage pour « la communauté des ébranlés », selon l’expression de Patočka, c’est-à-dire écrire, lire, parler, penser selon un idéal de dignité contre les populismes, les mensonges et les flagorneries des convenances de toute sorte.
 

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