Un petit viol - Un autre petit viol
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- c’est le récit haché d’un épisode de l’adolescence qui ne pouvait se dire que dans une langue hachée : deux versions tête-bêche (Un petit viol / un autre petit viol) tâchent de raconter un événement dont les suites ne sont pas épuisées, qui font comme deux récits au milieu desquels l’enfermement ne sort pas de lui-mêmeça aurait pu être un conte de fées, si les fées mâles existaient pour les adolescents, et si on pouvait se grandir de ce qu’on a vécudeux récits (l’un chronologique, l’autre alphabétique) dont les mots sont identiques et le sens différenten somme c’est quelque chose de bêtement humainil s’agit donc d’un adulte dont on ne sait s’il est coupable et d’un adolescent dont on ne sait s’il est victimeor comme il n’y a pas de fées mâles, restent les questions, les failles et les débris près de trente-cinq ans plus tard, la forme s’est trouvé un espace pour tenter de faire tenir ensemble ces ruptures par lesquelles une vie semble continue dès lors qu’on s’y enfouit et qu’on s’y tait
Un récit fait de deux textes présentés tête bêche (sur la face A : un petit viol, sur l’envers du livre, face B : un autre petit viol), deux textes identiques et pourtant différents : le premier déroule le récit chronologiquement, le second alphabétiquement, ce qui lui donne un autre sens. L’intérêt de cette forme en miroir, c’est de rendre l’enfermement et l’extrême solitude dans lesquels un adolescent se trouve : enfermement dans le secret d’une relation clandestine avec un ami de sa famille, qui abuse de lui, enfermement dans les lieux (la cave, la voiture…), enfermement dans son propre corps.
Il s’agit, des années plus tard, du récit d’un épisode traumatique et de ce qui va avec : la stupeur, la sidération, la blessure intacte de ne pas avoir été dite, élaborée, la culpabilité aussi (quand le corps éprouve du plaisir, est-on victime ou complice ?), les questions sans réponses d’un adolescent qui n’a pas pu parler de ce qu’il vivait.
Un très beau texte, pudique, terrible, éprouvant. Le travail littéraire en a fait autre chose qu’un témoignage. Pas de pathos, pas de grandiloquence dans ce récit : simplement une parole directe, qui cherche plusieurs formes pour se dire, qui a même parfois recours à l’humour, pour tenir l’émotion à distance. Le texte est entrelardé de petits contes, au ton faussement naïf, métaphores pour raconter la séduction et la manipulation (le loup et le chaperon rouge…)
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