Discours sur l'universalité de la langue française
Discours sur l'universalité de la langue française
Suivi de: Langue humaine par Gérard Dessons (La)
Rivarol, Antoine  
  • Éditeur : Manucius
  • Collection : Philologue (Le)
  • EAN : 9782845781436
  • Code Dimedia : 19700143
  • Format : Broché
  • Thème(s) : GÉOGRAPHIE & TOURISME, RÉFÉRENCES, SCOLAIRE & ATLAS, SCIENCES HUMAINES & SOCIALES
  • Sujet(s) : Francophonie, Histoire & sociologie, Linguistique, Sciences humaines - Divers, XVIIIe siècle
  • Pages : 138
  • Prix : 19,95 $
  • Paru le 18 mars 2013
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EAN: 9782845781436

Antoine Rivarol (1753-1801), dit le comte de Rivarol, est surtout connu aujourd’hui pour son opposition farouche à la Révolution qui le contraignit à l’exil, et pour son esprit léger, caustique, brillant qui fit de lui une gloire des salons européens. Burke l’appela le « Tacite de la révolution » et Voltaire affirma qu’il était « le Français par excellence». Ses bons mots ont fait florès dans tous les dictionnaires de citations.
 
Mais il est une autre facette de son personnage qui mérite davantage attention : son goût passionné pour les langues (il traduisit L’Enfer du Dante) et singulièrement la langue française dont il forma le projet de rédiger un grand dictionnaire dont il publia à Hambourg, en 1797, le Discours préliminaire. Il avait écrit également un brillant essai, le Discours sur l’universalité de la langue française, couronné quatorze ans plus tôt, en 1783, par le prix de l’Académie royale des Sciences et Belles Lettres de Berlin et qui lui valu une immense notoriété.
 
C’est ce texte qui est ici reproduit dans son édition de 1784 ou 97 ?. Rivarol, après avoir examiné les différentes langues européennes (l’allemand « trop guttural et encombré de dialectes », l’espagnol dont « la simplicité de la pensée se perd dans la longueur des mots », l’italien qui « se traîne avec trop de lenteur », l’anglais qui « se sent trop de l’isolement du peuple et de l’écrivain ») conclut à une supériorité de la langue française de par sa proximité avec la structure même de la pensée rationnelle qui lui permet ainsi de prétendre à l’universalité : « Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et modernes, c’est l’ordre et la construction de la phrase. Cet ordre doit toujours être direct et nécessairement clair. Le français nomme d’abord le sujet du discours, ensuite le verbe qui est l’action, et enfin l’objet de cette action : voilà la logique naturelle à tous les hommes ; - voilà ce qui constitue le sens commun. Or cet ordre, si favorable, si nécessaire au raisonnement, est presque toujours contraire aux sensations, qui nomment le premier l’objet qui frappe le premier. C’est pourquoi tous les peuples, abandonnant l’ordre direct, ont eu recours aux tournures plus ou moins hardies, selon que leurs sensations ou l’harmonie des mots l’exigeaient ; et l’inversion a prévalu sur la terre, parce que l’homme est plus impérieusement gouverné par les passions que par la raison.
 
[…] Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l’ordre direct, comme s’il était tout raison, et on a beau par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu’il existe ; et c’est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l’ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C’est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n’est pas clair n’est pas français ; ce qui n’est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin. Pour apprendre les langues à inversion, il suffit de connaître les mots et leurs régimes ; pour apprendre la langue française, il faut encore retenir l’arrangement des mots. On dirait que c’est d’une géométrie tout élémentaire, de la simple ligne droite, et que ce sont les courbes et leurs variétés infinies qui ont présidé aux langues grecque et latine. La nôtre règle et conduit la pensée ; celles-là se précipitent et s’égarent avec elle dans le labyrinthe des sensations et suivent tous les caprices de l’harmonie ».
 
Dans une certaine mesure, et pour le dire d’une façon moderne, Rivarol aurait posé les prémisses des avancées récentes de la réflexion sur le rapport entre le langage et la pensée, à savoir l’étroite dépendance entre structure de la langue et structure de la pensée, loin de la théorie instrumentaliste du langage qui prévalaient à l’époque où Rivarol écrivit son essai.
 
Ernst Jünger a traduit des aphorismes de Rivarol en allemand (paru en 1956). Il lui consacra également une étude dans Rivarol et autres essais, Paris, Grasset, 1974.




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