Lettres d'amour à quelques-unes
Lettres d'amour à quelques-unes
Thomas, Dylan  
Reumaux, Patrick (Présenté par) 
Reumaux, Patrick (Traduit par) 
Rougier, Karine (Illustré par) 
Thomas, Dylan (Illustré par) 
  • Éditeur : Belles Lettres (Les)
  • Collection : Poésie magique
  • EAN : 9782251452425
  • Code Dimedia : 000222549
  • Format : Broché
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Biographie / Récit biogra., Journal / Correspondance, Littérature anglaise/anglo-sax
  • Pages : 170
  • Prix : 42,95 $
  • Paru le 10 janvier 2022
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EAN: 9782251452425

Extrait

Janvier-février 1951, Ispahan Iran
 
Caitlin chère,
 
Ta lettre, écrite à dessein, m’a touché à mort. Je ne pensais pas, après l’avoir lue au point de connaître chaque plaie par cœur, que je pourrais supporter ces jours et ces nuits, seul avec ma solitude – je le sais maintenant, pour toujours – et, sachant, un long chemin et une vie plus loin, que tu ne m’aimes plus ou ne veux plus de moi. (Après ta lettre froide et hostile tu écrivais : « Tout mon amour. Caitlin. ») Tu aurais pu m’épargner cette ironie. Mais la sale bête est toujours là. Je marche à tâtons dans une sorte de désespoir muet et aveugle, chaque jour s’achève lentement. Ce sont les nuits que je crains le plus, quand le désespoir me tombe dessus, n’est plus ni aveugle ni muet, et qu’il n’y a plus que moi dans le noir. Je suis simplement seul dans une chambre inconnue, dans une ville étrange au cœur d’un pays maudit, sans aucune excuse et pleurant comme un idiot. La nuit dernière, je t’ai vue me sourire, heureuse, comme tu le faisais il y a mille ans, et je me suis mis à hurler comme les chacals dehors. Puis dans la matinée, ça a recommencé, je marchais, en proie au désespoir, glacé, dans un désert. C’était même un désert tout ce qu’il y a de plus réel, les chameaux à distance, les hyènes ricanant. J’écris cette lettre, la dernière peut-être, juste avant de me coucher dans un hôtel de brutes. Si seulement je n’avais pas à aller me coucher. Personne ici, dans ce salon d’écriture, la radio qui hurle en persan voit tout ce qui ne va pas chez moi. Je ne suis qu’un étranger, un petit gros en train d’écrire une lettre : une lettre joyeuse et tendre à sa femme « qui l’attend à la maison ». Christ, s’ils savaient, s’ils savaient que la femme à laquelle j’écris n’a plus besoin de moi, m’a fermé son cœur & son corps, bien qu’elle soit ma vie. Je ne peux pas vivre sans toi – toi, toujours – et je n’en ai pas l’intention. J’ai un vol de Téhéran pour Londres, j’en suis presque certain, le 14 février. Je t’enverrai un télégramme pour te donner l’heure de mon arrivée. Tu m’as dit, avant que nous nous séparions, que tu viendrais à Londres pour m’accueillir à mon retour. Je suppose que tu ne le feras pas maintenant ? Si tu n’es pas là, veux-tu, s’il te plaît – ce n’est pas grand-chose à te demander – laisser un message chez les McAlpine. Je ne reviendrai pas à Laugharne avant de savoir si j’y suis désiré : pas comme un inefficace mauvais payeur de factures, mais pour moi-même et pour toi. Si on ne se voit pas à Londres, je téléphonerai aux McAlpine. S’il n’y a pas de message de ta part, je saurai que tout est fini. Il est vraiment terrible de t’écrire cela en étant aussi loin de toi. Dans quelques minutes je gagnerai ma chambre à coucher, me mettrai au lit avec ma chemise, et penserai à toi. La chambre connaît bien ton nom, comme de nombreuses chambres d’hôtel de ce pays. « Caitlin, Caitlin » voilà ce que je dirai, et tu viendras à moi, lumineuse et belle, jusqu’à ce que mes yeux se brouillent et que tu disparaisses. Oh, Cat chérie, je t’aime.




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