Eau chaude, l'eau frette (L')
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Un immeuble de l’Est de Montréal, véritable cour des miracles où grouille une foule disparate. Polo, prêteur à la petite semaine, règne sur les pauvres, suscitant à la fois la haine, le désir de vengeance et l’adulation ; véritable métaphore du Québec, où les exploités célèbrent leurs exploiteurs. Julien, livreur naïf et tendre, est dévoué jusqu’à la démence à Carmen, belle femme débordante de générosité et de vie, mère de Francine, petite fille déjà femme, qui doit composer avec un stimulateur cardiaque, que sa mère est forcée de rembourser en nature au Shylock. Ti-Guy, 13 ans, forme avec Francine (son amoureuse) et Julien un clan qui espère combattre la tyrannie de Polo.
L’anniversaire de ce dernier sera justement une occasion de revanche pour tous ; un party à tout casser. Le quartier au complet est invité : escrocs d’occasion, prostituées, souteneurs, flics sympathiques ; bref toute la faune du coin. La fête bat son plein et rien ne peut l’arrêter : ni la bière qui inonde l’appartement, ni les querelles entre les maîtresses de Polo, ni un meurtre qui se révélera plutôt fortuit… Les plus jeunes sont également de la partie, se faufilant parmi les invités, tous et toutes plus ou moins ivres ; des enfants qui jouent aux adultes.
Des enfants à qui il ne manque plus rien pour incarner ce à quoi la société les condamne.
André Forcier produit et réalise son premier court métrage, Chroniques labradoriennes, en 1966. Au début de sa carrière, il accepte toutes sortes d’emplois pour financer son premier long métrage, Le Retour de l’Immaculée Conception. En 1974, après le succès de Bar Salon, Forcier reçoit des mains de Vittorio De Sica la « Sirène d’argent » au festival de Sorrente, en Italie. Il poursuivra sa carrière en réalisant plusieurs films à l’atmosphère envoûtante et surréaliste (Au clair de la lune, Kalamazoo, Une histoire inventée…) Il a été le premier cinéaste canadien à obtenir une rétrospective à la Cinémathèque française, en 1987. En mars 2010, il remporte le prix du Gouverneur général en arts médiatiques, plus haute distinction de réalisation artistique au Canada.
Pendant ce temps, Ti-Guy a proposé quelque chose à Francine. Il se lève et va voir un jeune couple d’amoureux attablés un peu plus loin au casse-croûte.
TI-GUY (au jeune homme) :
Veux-tu écouter le coeur d’la p’tite infirme pour 50 cennes ?
M. FORTIER :
35 cennes, ça fait-tu ?
TI-GUY :
75 cennes pour les deux.
M. FORTIER (à son amoureuse) :
Ça te tente-tu, mon amour ?
HUGUETTE (enthousiaste) :
Ah oui, c’est cool !
Ti-Guy encaisse le montant. Francine tend nonchalamment son « coeur mécanique » (la petite boîte avec une prise de courant) à M. Fortier, qui lui, tend l’oreille.
M. FORTIER :
On n’entend quasiment rien.
TI-GUY :
Suivant !
Huguette, avant d’écouter, dit :
HUGUETTE :
On peut-tu pogner un choc ?
TI-GUY :
Non, non, c’est groundé…
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.
