Trombes
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La poésie, c’est la parole en trombes. Elle nous tombe dessus sans avertissement, dans une violence sans nom. Puis elle inonde le monde, dans un déluge de sens et de non-sens. Une grande lessive… à l’encre, aux larmes, au sang où c’est le beau, le bien, le vrai autant que le mal en soi — celui qui nous ronge, celui qu’on nous fait — qui sont emportés dans cette immense brassée où la vie elle-même semble lessivée, l’histoire blanchie, le réel lavé à fond de toutes les vérités. Ne reste plus qu’un néant blanc où l’on pourra écrire qui l’on est, qui l’on n’est pas, qui l’on serait dans ce monde sans taches, sans dieux, sans restes, où vivre même paraît au-dessus de ses forces.
Mais on relève la tête, comme si on élevait la voix, et c’est une fine pluie d’air, des bulles légères de souffle humain, une bruine d’esprits à nu qui nous immergent soudain et l’on appelle cette ondée-là d’un nom divin, qui sonne à ses oreilles comme le surnom qu’on donne à tout ce qu’on aime, à tout ce qu’on craint, dont le poème a le visage, clair et radieux, tourné vers ce qui vient, vers ce qui revient : on recouvre la mémoire en même temps qu’un tout dernier espoir… sous la forme d’un tourbillon de présents où c’est le vertige lui-même qui donne un sens à son existence, une vie aux choses, une voix aux événements, une orientation à notre temps.
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