Modernité et Antihumanisme
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Après avoir consacré deux livres à Georg Lukács, l’un en 1980, l’autre plus récemment en 2016, Nicolas Tertulian compose ici, à partir de 15 articles (déjà publiés mais difficiles à trouver et dont l’un, sur Arnold Gehlen, est totalement inédit) une cartographie très impressionnante de la manière dont l’histoire du XXe siècle s’est impliquée dans la pensée philosophique et, inversement, de la manière dont « l’âge des extrêmes » a puisé dans certains philosophèmes aussi ésotériques fussent-ils, et plus particulièrement dans l’antihumanisme et l’antidémocratisme de certains penseurs.
Cette composition d’ensemble peut se lire de trois manières, engageant chacune un tempo distinct : 1) une traversée du XXe siècle philosophico-politique, 2) les polémiques, les dissensus, les confrontations des penseurs résistant ou collaborant aux idéologies meurtrières de leur siècle, et 3) l’enfoncement dans la précision monographique par où Nicolas Tertulian renoue avec le brio de son magistère et initie ses lecteurs à des œuvres inconnues en France mais importantes, comme par exemple celle de Gehlen dont on voit depuis peu de temps paraître certains textes.
Cette analyse à trois temps (traversée, polémique, monographie) de la résistance politique ou de la responsabilité de certaines œuvres philosophiques majeures du XXe siècle se révèle être une grande méditation sur la lucidité ou la folie propre de la pensée, quand celle-ci sait, ou non, rejoindre le réel de ses mots. Sans doute fallait-il à cette méditation d’envergure tout le savoir historique qu’elle sait produire pour pouvoir être aussi tranchante. Une magnifique démonstration de la force d’éclairement de la philosophie, quand la philosophie ne se sépare plus du savoir historique.
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