Bataille de Londres (La)
Bataille de Londres (La)
Dessous, secrets et coulisses du rapatriement constitutionnel
Bastien, Frédéric  
  • Éditeur : Boréal
  • Collection : Essais et Documents
  • EAN : 9782764642276
  • Code Dimedia : 20040677
  • Format : Livre numérique EPUB
  • Thème(s) : LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI, SCIENCES HUMAINES & SOCIALES
  • Sujet(s) : Histoire - Québec / Canada, Littérature québécoise, Politique - Québec / Canada
  • Pages : 480
  • Prix : 24,99 $
  • Paru le 9 avril 2013
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EAN: 9782764642276

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Dessous, secrets et coulisses du rapatriement constitutionnel
…ou quand la Cour suprême du Canada viole le principe de la séparation des pouvoirs
 
 
L’historien Frédéric Bastien a entrepris il y a près de huit ans une vaste et complexe enquête sur le rapatriement de la Constitution canadienne. Son travail est publié aujourd’hui aux Éditions du Boréal, sous le titre La Bataille de Londres. Dessous, secrets et coulisses du rapatriement constitutionnel.
 
La « bataille de Londres » est sans doute un épisode majeur de cet événement historique. Au lendemain du référendum de 1980, Pierre Elliott Trudeau reprend son vieux rêve de rapatrier la constitution qu’il caresse depuis son arrivée au pouvoir en 1968. Cette fois, il est prêt à tout pour qu’il aboutisse, avec ou sans l’accord des provinces, comme le démontre Frédéric Bastien.
 
Le livre s’appuie principalement sur des archives inédites du Foreign Office, à Londres, et du ministère des Affaires étrangères du Canada, notamment des notes de service internes, et sur de nombreux témoignages d’acteurs de l’époque. Il reconstitue la chronologie des événements, tractations et négociations d’une extrême tension qui ont conduit à la signature la Loi constitutionnelle de 1982. Si presque tous les aspects du rapatriement sont controversés, l’inclusion dans la Constitution d’une charte des droits constitue l’enjeu qui attise le plus les divisions entre les provinces et le fédéral, qui y voient une intrusion dans les champs de compétence provinciale et une judiciarisation de la vie démocratique et politique, et avec les Britanniques qui y voient une ingérence dans les affaires internes canadiennes. On assiste dès lors à une véritable foire d’empoigne à laquelle se mêle tout ce qui grouille, scribouille et grenouille au Canada et en Angleterre.
 
En conférence de presse, Frédéric Bastien a dévoilé l’une des découvertes les plus surprenantes et troublantes de son investigation, soit le rôle secret joué dans cette affaire par au moins deux des neuf juges de la Cour suprême d’alors :
 
  • Willard Estay, qui a secrètement avisé les Britanniques, à l’automne de 1980, que la Cour suprême se saisirait certainement de la question constitutionnelle, tout en déplorant l’attitude des opposants à Trudeau. (p. 319-320)
  • Le rôle politique le plus important est toutefois joué par nul autre que le juge en chef, Bora Laskin, grand partisan de l’inclusion de la charte des droits dans la constitution, qui intervient à plusieurs reprises dans le processus politique pour inciter le gouvernement à saisir la Cour suprême du dossier constitutionnel; une fois la Cour suprême saisie du dossier, il continue à informer les instances politiques des tractations entre juges, qui sont très divisés sur le sujet. Ainsi, il rencontre Michael Havers, chargé par le cabinet Thatcher de défendre la résolution fédérale à la Chambre des communes britannique, pour l’en informer afin que son gouvernement puisse mieux voir venir les problèmes engendrés
 
par cette situation et en prévoir les conséquences. Il en fait également part à des fonctionnaires du Foreign Office et au moins deux fois à Michael Pitfield, alors greffier du Conseil privé du Canada. En dévoilant à des politiciens, en temps réel, de l’information sur les délibérations d’une cause dont ils sont partie prenante, Laskin enfreint l’éthique, transgresse les règles, bafoue son serment et viole la Constitution qu’il est chargé de protéger. Ces gestes, il les commet avec la complicité des fédéraux et de Londres. (p. 291-293, 321, 322, 325-326, 327, 352, 448)
 
Il importe de situer ces agissements par rapport à la décision prise par la Cour suprême le 28 septembre 1981. Celle-ci a jugé que l’unanimité des provinces n’était pas nécessaire au rapatriement, ce qui enlevait au Québec son droit de veto et permettait à Trudeau de se passer de son accord.
 
On savait que René Lévesque employait l’expression « coup d’État » pour décrire l’opération menée par Trudeau, mais on ignorait que John Ford, le haut-commissaire britannique de l’époque, l’employait aussi. Les autorités juridiques et exécutives de l’époque ont violé une règle constitutionnelle fondamentale, soit la séparation des pouvoirs juridique et exécutif, pour imposer un nouvel ordre constitutionnel. La seule conclusion possible quant au jugement de la Cour suprême, affirme Frédéric Bastien au terme de son analyse, est qu’il est invalide et sans effet. (p. 178, 332, 352-353)
 
Une autre des révélations du livre est la question de la reconnaissance d’un Québec souverain par les Britanniques, qui considéraient qu’un éventuel Québec souverain serait viable, avec ou sans association économique. Cette analyse est transmise confidentiellement à Londres par le consul britannique à Montréal, John Rich, et le haut-commissaire britannique à Ottawa, John Ford. Selon Malcolm Rifkind, le ministre des affaires étrangères qui occupait le poste en 1995, lors du 2e référendum, il est clair que la Grande-Bretagne aurait reconnu une victoire du oui, même serrée. Cette analyse est partagée par Ken Curtis, l’ambassadeur américain au Canada en 1980, que l’auteur a interviewé. C’est la première fois qu’un ambassadeur américain au Canada se livre à un tel témoignage. (p. 77-80)
 
Un mythe tenace : la nuit des longs couteaux. Beaucoup d’encre a coulé sur la question de la trahison des autres provinces canadiennes envers le Québec et la « nuit des longs couteaux », qui s’est déroulée du 4 au 5 novembre, à l’occasion de la conférence annuelle des provinces qui se tenait à Montréal. Selon les témoignages recueillis par Frédéric Bastien, cette trahison est un mythe. Lors de cette fameuse « nuit », selon le témoignage de Brian Peckford, recueilli par l’auteur, la délégation de Terre-Neuve cherchait un compromis à présenter au  gouvernement fédéral, et elle a tenté d’appeler les provinces absentes, dont le Québec, pour les inclure dans la nouvelle proposition, mais la délégation québécoise n’a pu être rejointe au cours de la nuit. (p. 409-411)
 
La veille de cette conférence de novembre 1981, Margaret Thatcher a averti Trudeau dans un message secret que sa résolution unilatérale, appuyée par deux provinces, serait battue au parlement britannique. Les Britanniques avaient d’ailleurs un plan pour se débarrasser unilatéralement de la constitution canadienne, voire le rapatriement unilatéral britannique. (p. 376-377, 394)
 
Anecdote révélatrice. Quelques jours avant Noël 1981, le premier ministre du Québec, René Lévesque, s’est adressé par lettre à Margaret Thatcher pour dénoncer l’entente survenue entre les provinces et le fédéral lors de la conférence annuelle, en insistant sur le fait que la loi projetée « constitue une offensive sans précédent contre les pouvoirs permettant à la seule société d’expression française d’Amérique du Nord de défendre et de promouvoir sa langue et sa culture ». Thatcher aurait souhaité répondre directement, mais les fédéraux lui ont suggéré de renvoyer plutôt Lévesque au fédéral. On a même poussé l’audace jusqu’à lui proposer un court projet de lettre en guise de réponse à Lévesque. (p. 436)
 
Le livre fourmille d’anecdotes croustillantes, de comptes rendus de conversations entre diplomates particulièrement savoureuses, qui confirment que les  Britanniques n’étaient pas dupes des manigances, manipulations et tromperies commises par le gouvernement fédéral dans le dossier du rapatriement. Il ressort des notes internes que l’auteur a consultées le portrait d’un Trudeau arrogant et manipulateur, prêt à tout pour voir sa loi constitutionnelle adoptée.
 
Grâce à la loi sur l’accès à l’information, les autorités britanniques ont permis aux Canadiens de prendre connaissance d’un aspect fondamental de leur histoire.  Il s’est avéré impossible pour l’auteur, cependant, d’utiliser les documents du Conseil privé pour en apprendre davantage sur le rôle des juges car, après trois années de multiples démarches, les documents du Conseil privé qu’on a consenti à lui fournir étaient caviardés pratiquement du début à la fin.
 
Le 17 avril 1982, c’est sous un ciel orageux qu’a eu lieu la cérémonie officielle du rapatriement de la Constitution… tout à fait à l’image des événements qui se sont déroulés entre le printemps 1980 et le printemps 1982, et dont le livre fait état.
 
L’histoire est sérieuse, le livre est rigoureusement documenté, ce qui n’empêche pas l’auteur de la reconstituer avec un sens du récit prenant et une verve irrésistible.

Visionnez la vidéo où Frédéric Bastien présente son livre.

AUTEUR(S)

Frédéric Bastien est professeur d’histoire au Collège Dawson à Montréal. Il commente régulièrement l’actualité politique pour différents médias et est l’auteur de deux livres sur les relations triangulaires Paris-Québec-Ottawa.




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