Barbares numériques (Les)
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L’Histoire du monde occidental retiendra qu’il s’agit de la plus importante conquête du XXIe siècle : celle de l’univers numérique et de nos territoires par les superpuissances américaines, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et autres plateformes comme Airbnb, Uber et Netflix. Ces acteurs sont devenus les nouveaux grands seigneurs d’un empire numérique qui abolit les frontières. C’est en vertu de ce pouvoir que les GAFAM et les autres géants numériques ont défini eux-mêmes les règles du jeu, se comportant de la même manière qu’un conquérant à l’égard d’une population et d’un territoire. Pour l’ancien directeur des informations de Radio-Canada, ce sont des barbares numériques contre lesquels il faut opposer une résistance.
Les barbares numériques raconte de façon accessible et documentée comment notre espace culturel s’est progressivement virtualisé et comment l’avènement de la société numérique a métamorphosé les espaces traditionnels de création et de circulation de la culture et de l’information. Saulnier détaille la démission des pouvoirs publics au fil du temps, alors que ces géants mettent au défi l’autorité et la légitimité des États nationaux et constituent une menace à la démocratie, au rôle et à la définition même de l’État. C’est pourquoi nos gouvernements doivent réguler la cohabitation, incontournable, avec les superpuissances numériques.
Le gouvernement fédéral a mis du temps à comprendre que notre souveraineté, notre culture, nos médias étaient à risque. En 2017, Mélanie Joly, alors ministre du Patrimoine canadien, s’extasiait devant les offres ridicules d’investissement de Netflix, sans que l’entreprise n’ait à payer aucune taxe en retour ni à fournir des garanties de soutien à la production de contenus francophones. Cette non-intervention a causé des retards et des dégâts importants dans l’écosystème numérique canadien et québécois.
Cet automne, le nouveau gouvernement minoritaire de Justin Trudeau a repris l’engagement de faire adopter une Loi modifiant la Loi sur la diffusion et d’autres conséquences, après que le projet de loi C-10 piloté par l'ancien ministre du Patrimoine, Steven Guilbeault, soit mort au feuilleton. Mais combien de temps encore avant de corriger le tir ? Le même retard s’applique pour les règles d’équité fiscale, la Loi sur les droits d’auteur ou la mise en application d’un taux d’impôt minimal pour les superpuissances numériques.
Nous avons développé une forte dépendance à Internet, depuis qu’il est devenu aussi indispensable à nos vies que l’eau et l’électricité. Et depuis le début de la pandémie de COVID-19, cette GAFAM-dépendance s’est accrue plus que jamais et il n’y a aucun vaccin pour contrer cette dépendance. Sans compter son effet néfaste sur le réchauffement planétaire, un angle mort de la pollution atmosphérique qu’Alain Saulnier met également au grand jour..
Au centre du modèle d’affaires des barbares numériques, la possession de nos données personnelles, sans égard à notre vie privée. Dans un tel contexte, comment ne pas s’inquiéter de la vulnérabilité et de la pérennité d’une culture comme la nôtre ? Car cette domination nous renvoie cruellement l’image d'une culture québécoise francophone plus minoritaire que jamais en Amérique du Nord. Pour Alain Saulnier, c’est la menace la plus sournoise à la langue et à la culture françaises en ce moment. Dans cette conquête sans limites territoriales, le grand public n’est pas suffisamment conscient de ce danger. Cet essai veut nous réveiller et faire face à la réalité.
Bienvenue dans l’univers de grandes propriétés dont nous ne possédons pas les clefs. Comme le souligne Pierre Trudel en préface, « Alain Saulnier nous met en garde: c’est d’un combat extrême qu’il s’agit. Avec ce livre, il nous procure les repères pour s’y engager la tête haute. »
Journaliste et réalisateur dans des émissions d'information, Alain Saulnier a dirigé le service d'information radio de Radio-Canada dès 1999, puis l'ensemble des services français d'information de 2006 à 2012 lorsque les services radio et télé ont été intégrés sous une même direction générale. Depuis septembre 2012, il enseigne le journalisme à l'Université de Montréal au sein de l'équipe du DESS en journalisme. Il est l’auteur de Ici était Radio-Canada (Boréal, 2014).
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