S'ouvrent les portes de la ville
S'ouvrent les portes de la ville
Pékin : 1949-2001
Bei, Dao  
Chen-Andro, Chantal (Traduit par) 
  • Éditeur : Ypsilon
  • Collection : Contre-attaque
  • EAN : 9782356540973
  • Code Dimedia : 000209648
  • Format : Broché
  • Thème(s) : GÉOGRAPHIE & TOURISME, LITTÉRATURE - FICTION & ESSAI
  • Sujet(s) : Biographie / Récit biogra., Chine, Littérature asiatique
  • Pages : 304
  • Prix : 37,95 $
  • Paru le 24 août 2020
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EAN: 9782356540973

Premier ouvrage de littérature chinoise chez Ypsilon, nous sommes très heureux de commencer à explorer ces lettres par la publication d’un récit autobiographique d’un très important poète contemporain. D’autant plus que, pour qui connait Bei Dao, il est étonnant de voir cet auteur s’adonner à cet exercice de mémoire, mais justement il le fait à sa manière très singulière. S’ouvrent les portent de la ville est le livre d’un poète exilé qui se fait ethnographe. Nous découvrons son Pékin, le temps passé et le présent d’un horizon lointain. Et Pékin tout court si on vient de loin… et soudain tout ce qu’on sait ou qu’on imagine savoir sur cette ville et son histoire récente (deuxième moitié du XXe siècle) commence à bouger et on commence à chercher des contours, des repères…
 
En 2001, alors qu’il a passé la cinquantaine, Bei Dao retourne pour la première fois dans sa ville natale, après un exil forcé de onze ans, suite aux événements de la place Tian’an men ainsi qu’à des prises de position, faites à l’étranger, sur cette période de l’histoire chinoise. Il ne reconnaît plus la ville où il est né, a grandi et a vécu quarante années de sa vie. C’est un choc pour lui. Dans ce livre, il invite le lecteur à remonter le fil du temps et des événements qui ont marqué sa vie, celle du Pékinois qu’il était et qu’il est resté, mais aussi, plus largement celle d’un peuple tout entier : les débuts du pouvoir communiste (il est né en 1949, année qui a vu la fondation de la République populaire), le grand Bond en avant, la Grande famine, la campagne anti-droitistes, la Révolution culturelle et la guerre civile qui l’a marquée. Ce livre, recherche de l’enfance et de l’adolescence perdues, se veut aussi une ethnographie de cette ville qui l’a hanté pendant son exil : ses lumières, ses odeurs, ses bruits, les petits métiers, les habitants, tout cela qui constitue la petite histoire inscrite au cœur de la grande. Dans ces mémoires le poète se livre plus qu’il ne l’a jamais fait, lui dont la poésie est comme une noix dont il faut casser la coquille. Le ton est juste, l’observation aiguë, la critique souvent acérée, humour et poésie le disputent à l’émotion.

AUTEUR(S)

Bei Dao (né en août 1949, de son vrai nom Zhao Zhenkai) s’est fait connaître en Chine dans la seconde moitié des années soixante-dix grâce à la revue Aujourd’hui, publication non officielle, qui circulait sous le manteau et publiait les oeuvres de jeunes poètes et écrivains inconnus de tous. Principal inspirateur du courant de la poésie dite « obscure » (menglong shi), il a écrit aussi des nouvelles et un roman. Il a été considéré, dans les années quatre-vingt, comme le porte-parole d’une génération qui a été sacrifiée : celles des Gardes rouges, lycéens ou étudiants envoyés par Mao dans les campagnes pour apprendre auprès des paysans et appelés dès lors les « jeunes instruits ». À la fin de cette décade, Bei Dao se consacre exclusivement à la poésie tout en militant en Chine même pour les Droits de l’Homme. En mars 1989, il est à l’initiative d’une pétition demandant la libération des prisonniers politiques, laquelle sera signée par trente-trois intellectuels chinois. Lors des événements de Tian’an men, il se trouve en voyage à Berlin, inscrit sur une liste noire, il ne peut plus rentrer en Chine. Commencent alors de longues années d’exil, en Europe d’abord, où il fait reparaître la revue Aujourd’hui, puis aux États-Unis. À partir des années 90, parallèlement à l’écriture en vers, Bei Dao commence à publier des proses, un roman, des nouvelles. Ses oeuvres sont traduites en plusieurs langues, en français : deux recueils de ses poèmes – Au bord du ciel (Circé, 1994), Paysage au-dessus de Zéro (Circé, 2004) – son roman Vagues (Philippe Picquier, 1993), ses nouvelles 13, rue du Bonheur (Circé, 1999).Interdit de publication sur le continent depuis trente ans, ses mémoires : S’ouvrent les portes de la ville ont été publiées en 2010 à Hong Kong, ville où il réside actuellement, par Oxford University Press.

Extrait

À la fin de l’année 2001, père était gravement malade, je suis donc retourné à Pékin, au terme d’une longue absence de treize ans. Même si je m’étais préparé psychologiquement à ce retour, je ne m’attendais pas à ce que la ville eût changé à ce point. Je la reconnaissais difficilement, elle m’était devenue totalement inconnue. J’étais un étranger dans mon pays natal.
 
Je suis né à Pékin, j’y ai passé la première moitié de ma vie, c’est surtout vrai pour mon enfance et ma jeunesse ______ le processus de ma croissance est intimement lié à cette ville. Or tout cela avait disparu avec ces changements.
 
Je me suis senti alors poussé à écrire ce livre : je voulais, par l’écriture, reconstruire une ville, rebâtir mon Pékin à moi _____ et ainsi, nier ce qu’il était devenu aujourd’hui. Dans ma ville, le temps inverse son cours : les arbres desséchés flirtent avec le printemps; les odeurs, les bruits et les lumières disparus reviennent à la mémoire; les maisons entourant une cour, les ruelles et les temples démolis recouvrent leur visage d’antan; les toits de tuiles sont comme des vagues roulant vers l’horizon bas; les sifflets portés par les pigeons retentissent dans le bleu profond du ciel; les enfants reconnaissent les changements des saisons; les habitants ont un grand sens de l’orientation. J’ouvre grand les portes de ma ville, j’y accueille les voyageurs en errance de par le monde, les âmes solitaires qui n’ont de foyer où rentrer et tous les visiteurs poussés par la curiosité.
 
Ce chantier de reconstruction a traîné et s’est avéré bien plus difficile que je ne l’avais imaginé. La mémoire est sélective, confuse, exclusive, de plus, elle est restée longtemps en état d’hibernation. Or l’écriture est précisément un processus d’éveil des souvenirs_______ dans le labyrinthe de la mémoire, un passage conduit à un autre, une porte s’ouvre vers une autre porte.
 
L’enfance et la jeunesse tiennent une place tellement importante dans la vie d’un être, on pourrait même dire que tout ce qui se passera après prend forme ou se décide pratiquement à ce moment-là. Remonter à la source de la vie s’apparente à quelque exploration de la préhistoire, riche de joies et de chagrins au fil des découvertes. Si l’éloignement et le retour sont les deux extrémités d’une même route, alors souvent, plus on part au loin, plus on se rapproche de l’enfance, et c’est précisément cette impulsion première qui m’a poussé aux confins de la terre et du ciel. Il me faut remercier tout spécialement Cao Yifan, mon voisin, compagnon et camarade de classe, non seulement la place qu’il tient dans le livre est très importante, mais surtout, sa mémoire étonnante m’a permis de rectifier et de restituer une foule de détails cruciaux. Bien sûr, il me faut aussi remercier Li Tuo et Gan Qi, grâce à ces deux « lecteurs » exigeants, au cours de la phase d’écriture, j’ai toujours avancé avec circonspection.




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