Généalogie d'une révolte (La)
|
Enjambant l’espace clos sur lui-même des périodes de l’histoire littéraire et artistique Louis Janover recourt à la méthode généalogique pour produire une lucidité nouvelle sur le destin du surréalisme compris dans sa double dimension de révolution politique (transformer le monde) et de création de formes (changer la vie). Il appartient, en effet, à la méthode généalogique de tirer dans le sens du passé et dans celui du futur, et d’être l’affirmation de tous les temps à la fois dans la simultanéité de leur lecture. Le « pas encore » surréaliste, Lautréamont, Nerval, et le « déjà » surréaliste se présentent ensemble, ensemble ce qui s’est passé et ce qui va se passer : l’admiration très singulière de Breton pour Lautréamont — « Pour nous, il n’y eut pas de génie qui tînt devant celui de Lautréamont. » dit-il —, la révolte irréductible et irrécupérable des Chants de Maldoror, leur refus de l’art pour l’art, l’errance urbaine de Nerval préfigurant Nadja, le rejet des normes conformistes avec son prix de solitude, l’amitié profonde et décisive de Heine pour Nerval, l’espace du rêve ouvert sur la vie, la force transformatrice des fictions théoriques et des poèmes…
La Généalogie d’une révolte se lit comme une reconquête de l’histoire à la fois politique et artistique du surréalisme et comme une démonstration de la puissance d’inactualité de cette histoire. Aucun étonnement à voir finalement cette reconquête s’achever dans le portrait magnifique de Jacques Vaché devenu le protagoniste désespéré de la résistance à toutes les réductions culturelles du surréalisme. Manière sans doute pour Louis Janover de rendre toujours plus lisible l’écart qui s’est creusé entre la révolution surréaliste et le surréalisme artistique, et de faire de cette lisibilité le motif politique ou éthique d’une vigilance, sinon d’un réveil des consciences.
Né en 1937, Louis Janover est un des plus grands spécialistes du surréalisme. En 1954, il écrit à Breton qui lui répond et lui ouvre les portes du groupe surréaliste. Dans les années soixante, il s’éloigne toutefois de ce groupe et fonde une revue, Front noir. Cette radicalité qui l’éloigne politiquement de toutes les mouvances nées du marxisme et le tient à distance de l’Internationale situationniste le conduit à collaborer avec les groupes du socialisme de conseils, dont la revue publie les principaux théoriciens. L’œuvre de Maximilien Rubel (Marx critique du marxisme) devient alors un de ses pôles de référence théorique et critique. La question autour de laquelle gravite toute son œuvre et dont La Généalogie d’une révolte présente une nouvelle déclinaison pourrait se formuler de la manière suivante : comment les œuvres d’auteurs hier maudits sont-elles devenues les références ordinaires d’une révolte « culturalisée »? Quelle différence y a-t-il entre subversion et révolution?
NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.
