Vertus communes (Les)
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Nombreux sont les modèles de « vertus héroïques ». Qu’on évoque le don de soi selon Saint Thomas d’Aquin, qu’on s’efforce à une discipline nous mesurant à plus haut que nous-même (« à penser petit, on reste minuscule ») ou qu’on pense aux vertus théologiques (la foi, l’espérance et la charité) et cardinales (la prudence, la justice, la force et la tempérance), si souvent présentes dans la Divine Comédie.
Pourtant, Carlo Ossola nous propose une tout autre traversée que celle du poète Dante. À la suite des Minima moralia d’Adorno, l’auteur se penche sur ces petites vertus de notre quotidien qui passent injustement inaperçues. Aussi simples qu’un « frapper avant d’entrer », celles-ci privilégient le doigté à la manipulation. Elles ne sont pas régies par des critères fonctionnalistes ou utilitaires mais se fient au geste de l’artisan soupesant la matière qu’il s’apprête à façonner.
Si la compétition et l’émulation ne prêtent attention qu’au résultat (à ce qui sera), elles nous privent surtout du premier tournant, pourtant fondateur, qui nous éloigne de la vanité de l’orgueil. La sincérité, dont Montesquieu parle si bien, l’ingénuité, la franchise, sont le premier degré de toute vertu du quotidien, une sorte de simplicité sans calcul, que l’on associe aux « petites gens ». Giovan Battista Roberti, un jésuite et lettré du XVIIIe siècle consacre justement à ces petites vertus un traité, écrit en 1773, au moment de la suppression de la Compagnie de Jésus. Y sont mises à l’honneur, avec cette civilité européenne de l’époque, l’indulgence, la compassion, la docilité, la sollicitude, l’affabilité et la politesse qui caractérisent l’homme de bien dont parle Leopardi dans le Zibaldone.
Ce livre ne nous emmène pas sur de glorieuses traces. Chacune de ses douze étapes nous invitent à devenir plus humain, en se faufilant dans la grâce imperceptible de gestes quotidiens, dont on oublie trop souvent l’importance. Il nous offre un voyage, qui a tout du Journal d’un scrutateur, d’Italo Calvino. Un voyage intime et curieux hors les murs.
Carlo Ossola est professeur au Collège de France, chaire de « Littératures modernes de l’Europe néolatine ». Aux Belles Lettres il a publié L’Automne de la Renaissance. « Idée du Temple » de l’art à la fin du Cinquecento, 2018.
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